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DIVERS - Fan fiction

Nos Mondes

« Je rêvais d’être un héros.
Du haut de mes onze ans, je ne cessais de clamer ce rêve absurde à mes parents fatigués et accablés par une guerre naissante qui supprimait tout intérêt de vivre autrement que mort. Ils rentraient de leur travail tard le soir ; l’un exténué par les centaines de lettres de condoléances à envoyer aux familles des victimes, et l’autre meurtri par les séances d’entrainement du corps des marines de l’UNSC.

Mon père allait être un héros, il était donc naturel que mon rêve soi de devenir comme lui. Oui, c’est certainement de là que m’est venue cette obsession, cette ambiguïté existentielle qui m’exacerbait, me poussant à vouloir me mettre au-devant de la scène. Un rêve. Mon rêve. Celui que mon père ne cherchait même pas à atteindre, mais que nous pensions tous le voir faire.

Un honneur auquel il n’a jamais pu accéder.

Deux jours avant son adhésion au sein des soldats hautement réputés de l’UNSC, un raid rebelle a frappé la ville où nous résidions…

Se cacher dans la commode avec ma sœur était sans doute une bonne idée pour survivre. Elle l’était moins pour ne pas voir nos parents se faire sauvagement égorgés par des rebelles sans honneur, ne recherchant que les plaisirs les plus bestiaux, et le rendu financier de leurs quêtes. Bien loin des valeurs qu’ils voulaient véhiculer.

Il est assez amusant de faire une rétrospective sur l’enfant de onze quand que l’on a été, et se rendre compte que du jour au lendemain un enfant peut devenir une coquille vide d’espoir. Un néant à combler. Un être éteint.

Douze ans durant, j’ai échappé aux raids résistants se faisant de plus en plus rare à mesure que la Guerre prenait de l’ampleur. Douze ans durant, je me suis reconstruit, ai solidifié ma sœur fragile et ai appris à la connaitre. J’avais toujours ignoré ma sœur, muette de naissance, la considérant comme un être raté et vide de sens. Pourtant, durant la mort de mes parents, j’ai remarqué grâce à elle à quel point on pouvait faire passer un message à travers un simple regard.

Un regard prouvant que son âme était bien là, quelque part, derrière ce silence de mort.

Ma sœur et moi avons survécu en se soutenant l’un-l’autre, en volant de la nourriture dans les poubelles de la ville, en guettant une opportunité de se faufiler dans les stocks des grands magasins.

Elle était devenue ma moitié. Un être sans qui je n’aurais jamais pu devenir l’homme que j’ai été à ce jour.

Le jour où enfin, je suis allé me présenter pour devenir soldat, et reprendre le flambeau de mon père. Achever ce qu’il n’a jamais pu terminer. Réaliser mon rêve.

Alors que j’étais rêveur, je devins ambitieux.

Ambitieux, mais guidé par la tristesse de la mort des seuls êtres qui comptaient alors vraiment pour moi. Et la tristesse est un sentiment instable que l’on ne peut maitriser. Un élément qui fragilise le roc que l’on peut devenir. Lorsque l’on refoule le désespoir, une simple étincelle enflamme toute votre âme. Et vous êtes inefficace. J’appartenais au monde de la tristesse et du désespoir.

Voilà pourquoi j’ai été refusé.

Des rêves déchantés, des espoirs anéantis, un honneur abattu. Mais une volonté encore présente, solidifiée par la présence de ma sœur à mes côtés. Me soutenant de ce regard si plein d’émotion qui me faisait frémir et m’apaisait.

Et puis vint ce jour sombre où ses yeux se vidèrent de leur essence, après une ultime tendresse. Elle rayonnait à mes côtés, avec ses petits yeux doux et son souffle régulier. Et l’instant d’après son souffle se fit saccadé et hésitant. Ses yeux écarquillés, brillant d’un bleu plasmique, tentèrent de faire passer un dernier message. Un adieu.

Ma rage fut telle que le corps du Sanghellis responsable de sa mort fut déchiqueté avec la seule force de ma main et d’un couteau émoussé. J’avais perdu ma sœur. Il n’était plus question de tristesse ni de désespoir. Cette phase était maintenant terminée, et j’avais déjà versé toutes les larmes que j’avais pu verser jusqu’alors. Cette fois-ci, la douleur était plus profonde, lancinante. Une explosion de violence. J’étais une machine de destruction massive. Rien ne pouvait plus m’arrêter.

Et pourtant, la rage est encore plus incontrôlable que la tristesse. Et les soldats enragés n’étaient pas dignes de confiance. L’insubordination était la pire des hérésies du soldat. Encore une fois, le refus fut sans appel. J’appartenais au monde de la colère, et la colère n’est qu’un sentiment primitif qui doit être éradiqué.

Eradiqué, tout comme ma planète le fut quelques mois plus tard. Une fois la phase de vitrification engagée, il ne nous restait que quelques jours pour quitter la planète. Les Covenants se fichaient bien de savoir ce que ressentaient les humains. Leurs soldats eux-mêmes se fichaient de leurs propres sentiments. Tous ces êtres, soumis à un discours. Soumis par leurs propres croyances. Mettant en arrière tout sentiment. Tout ressentiment. Ils n’étaient que machines de guerre incapables de penser par elles même.

Une telle vision des choses me choquait profondément. Aussi j’ai tenté de parler à un groupe de Sanghellis patrouillant dans le chaos qu’était devenu ma ville natale, peu avant la vitrification. J’y ai perdu mon honneur.

Non, ils ne me tuèrent pas. Ils m’humilièrent, me gravant dans la chair le signe de la honte à l’épée, me mettant nu au milieu de leurs camarades. Me flagellant pour hérésie. Mon monde était alors celui de la honte.

Je pensais avoir tout perdu. Je pensais être capable de réussir à me venger une fois engagé dans le corps des marines, avec cette nouvelle mentalité me dictant que les soldats guidés par le seul sentiment de la colère ne devraient jamais être engagés. J’avais compris la leçon, et comptait bien me venger.

Et pourtant, ils refusèrent. Encore. La vengeance est un moteur efficace, mais trop instable.

Je n’étais pas destiné à être un héros. Je ne pouvais obtenir ce que j’ai toujours rêvé d’obtenir.

Toute ma vie n’avait été que chaos et destruction, déchéance et tristesse. Je ne savais plus quoi faire, j’étais perdu. La Guerre semblait être perdue également, et je n’avais plus de raison de vivre. Je n’avais plus de raison tout court. Je l’avais perdue, elle aussi.

J’appartenais alors au monde de la folie.

S’introduire dans une corvette humaine était en fait beaucoup plus facile que prévu. Voler un pélican également. J’étais devenu fou à lier, et j’entreprenais une mission, seul, sans avertir personne, en clandestin. Mais après tout, que pouvait-il me faire ? Me tuer ?

C’est ce que je voulais.

Perdre la vie.

Pouvez-vous voir mon regard maintenant ? Ce regard que j’ai actuellement. Déterminé. Vous pouvez le voir, le sentir, le comprendre ? Il m’a fallu tout ce temps pour comprendre qu’en perdant la vie, je gagnais la bataille.

Notre vie, c’est tout ce que nous avons d’important. C’est notre monde. C’est Le monde.

Finalement, n'existait-il qu'un seul monde, qui passait son temps à rêver à d'autres mondes ? »

Lettre écrite par X avant sa mort héroïque permettant la victoire de la première bataille d’Arcadia.

Posté le : 07/03/2014


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