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DIVERS - Fan fiction

Perdu Corps et Bien

PRÉLUDE


0719 heures, 8 janvier 2534 (calendrier militaire) / vaisseau de transport civil Moonwalker en route vers les spatiodocks de Reach, planète Reach, système Epsilon Eridani.

Pareil à un joyau d’argent suspendu au-dessus du monde, les spatiodocks étaient resplendissants dans la lumière du soleil d’Epsilon Eridani. La coque extérieure du gigantesque complexe spatial brillait de milles feus sous les étoiles, tout comme l’ascenseur orbital qui le reliait à la surface de Reach tel un long fil de lumière. Seul le léger reflet du panneau d’observation gâchait légèrement la contemplation de ce spectacle.

Jack Foster profita un instant de ce reflet pour s’assurer qu’il était présentable. Dans son uniforme de caporal du Génie, le jeune homme était assez impressionnant, comme tous les militaires, mais son visage rayonnait de bonheur et tout son corps tremblait d’excitation. Ses yeux bleus azurs témoignaient clairement de sa volonté de faire bonne impression tandis qu’il arrangeait sa chevelure du mieux qu’il le pouvait du bout de ses doigt. Ses supérieurs l’avaient autorisé à les laisser pousser jusqu’à trois centimètres de long et il chercha à les coiffer en avant pour faire ressortir les deux mèches blanches situées à l’avant. Elles contrastaient clairement avec le reste de sa chevelure qui était aussi noire que l’ébène, mais cela lui donnait un certain charme.

Alors que les spatiodocks grossissaient de plus en plus derrière le panneau d’observation, une voix annonça dans les haut-parleurs du vaisseau que l’arrivée était imminente et que les voyageurs pouvaient se préparer à débarquer. Mais Jack était déjà prêt depuis une vingtaine de minutes.

Il se tenait à seulement cinq mètres du sas de sortie bâbord du vaisseau, attendant impatiemment d’arriver à destination. Depuis maintenant six mois il avait attendu cet instant, d’une attente plus oppressante chaque jour, et à présent il pouvait à peine contenir sa joie. Contrairement à ce que croyaient les autres membres de son unité, ce n’était pas la perspective de terminer sa formation de technicien militaire qui le mettait dans cet état, mais l’idée de retrouver quelqu’un d’immensément cher à ses yeux.

Une légère secousse parcourut le vaisseau lorsque celui-ci s’amarra aux spatiodocks. Elle fut suivie d’un brusque mouvement d’air annonçant la décompression du sas de sortie et Jack du porter les mains à ses cheveux pour éviter une catastrophe esthétique. Une fois le sas rempli d’air, les portes s’ouvrirent enfin et le jeune homme saisit le sac marin contenant ses affaires personnelles pour le porter à l’épaule. Il prit ensuite une profonde respiration, puis s’avança dans le couloir de sortie.

Il arriva dans une sorte de hall d’accueil où plusieurs dizaines de personnes étaient venus récupérer des proches ou embarquer à leur tour sur le Moonwalker qui retournait sur Bêta Gabrielle. Un instant suffit à Jack pour repérer celle qui l’attendait là.

Jill. Jill Valentine. L’agent du SRN qui avait été chargée d’enquêter sur lui lorsqu’il s’était engagé et qui, au lieu de dénoncer à la section 1 ses action de pirate informatique, l’avait aidé à obtenir les informations qu’il cherchait. Elle était toujours aussi magnifique, même si son uniforme de la Navy lui donnait un côté légèrement masculin. Elle avait attaché ses longs cheveux châtains en un chignon adorable qui laissait voir son cou fin et délicat sur lequel reposait son visage d’ange. C’était tellement dommage que la situation présente ne lui permette pas de sourire pour le moment.

- Caporal Foster au rapport, lieutenant ! fit Jack de façon très protocolaire en effectuant son salut.

- Vos ordres, dit simplement Jill en tendant la main.

Jack sortit un papier de son uniforme et le donna à la jeune femme qui lut attentivement avant de paraître satisfaite.

- Bienvenue sur Reach, caporal, fit-elle en lui rendant le papier. Suivez-moi, nous n’avons pas de temps à perdre.

- A vos ordres, lieutenant.

Les deux militaires se mirent alors en route et traversèrent la foule de voyageurs pour se diriger vers les ascenseurs les plus proches. Tout en marchant, le lieutenant Valentine s’adressa de nouveau au jeune Foster :

- Désolée de vous avoir forcé à quitter votre unité si tôt après la fin de votre formation.

- Ne vous inquiétez pas pour cela, lieutenant, ce n’est pas un problème pour moi. C’est surtout mon chef de régiment qui a plutôt mal accepté de me voir partir.

- Le colonel Holms, c’est ça ?

- Oui, c’est ça.

- Je dois admettre que j’ai eu une discussion plutôt houleuse avec lui à propos de votre transfert. Il vous avait en très grande estime.

- Je sais. Il me l’a déjà dis personnellement à la fin de ma formation.

Pendant qu’ils discutaient ainsi, ils avaient traversé une partie des spatiodocks pour atteindre un ascenseur qui les emmena au dernier niveau de la station, là où seuls les vaisseaux militaires étaient autorisés à s’amarrer. Ils se dirigèrent alors vers la frégate Hollow Lies où des soldats du corps des marines contrôlèrent leurs identités et leurs ordres de mission avant de les laisser pénétrer à l’intérieur du vaisseau.

En tant que chef absolue de cette opération, Jill disposait d’une cabine personnelle dans le quartier des officiers et c’est là qu’elle conduisit Jack pour qu’il soient enfin tranquilles et seuls.

- Alors ? fit le jeune homme en verrouillant la porte derrière lui. J’ai été convaincant ?

- Tu as été parfait, répondit Jill. Tout s’est passé admirablement bien.

- Tu es vraiment sûre que c’était nécessaire ?

- Je te l’ai déjà expliqué, Jack : si la section 1 avait vent de notre relation, elle remettrait immédiatement en cause mon rapport d’enquête sur toi et un autre agent serait chargé de reprendre cette affaire depuis le début. J’ai moi-même vérifié cette pièce afin de m’assurer qu’elle ne renferme aucun système d’espionnage, donc on devrait être tranquilles ici, mais j’estime que partout ailleurs nous devrions continuer de faire comme si tu ne te souvenais pas de moi.

Jack était bien obligé d’admettre qu’elle avait raison. Jill s’était déjà suffisamment compromise en montant un dossier bidon pour le blanchir dans cette affaire de piratage informatique contre le réseau de la section 1. Elle avait donc de très bonnes raisons de vouloir s’assurer que ce rapport ne serait jamais remis en cause.

- Et combien de temps penses-tu que nous devrions continuer d’agir ainsi ? demanda-t-il en redoutant déjà la réponse.

- Je pense que six mois seraient suffisants pour permettre à ce dossier d’être oublié.

Jack prit soudain un air abattu, mais qui fut rapidement remplacé par un regard résolu : si cela était nécessaire pour assurer leur bonheur futur à Jill et à lui, alors il le ferait. Il ne fallait pas jouer avec les Services de Renseignement de la Navy. Même si leur administration avait tendance à gérer beaucoup trop d’affaires pour ne pas en égarer quelques unes, il valait mieux jouer la carte de la sécurité.

- Et sinon, fit-il. Tu as réussi à obtenir ce que je t’ai demandé.

- Ça n’a pas été facile, annonça Jill. J’ai du modifier un peu les listes d’inventaire des pharmacies de bords sur plusieurs vaisseaux, mais je les ai eu.

La jeune femme se dirigea alors vers l’une des armoires de sa cabine et en ouvrit un tiroir où se trouvait une petite caisse. A l’intérieur se trouvait une bonne trentaine de tubes pharmaceutiques. Elle en prit un et le lança à Jack qui l’ouvrit pour en vérifier le contenu.

- Je suis impressionné que tu ais pu en rassembler une telle quantité.

- Lorsque je t’ai rencontré pour la première fois, j’ai gravement sous-estimé tes capacités. Ne fait pas la même chose avec moi, s’il te plait.

- En tout cas merci. J’étais sur le point de tomber à court.

Jack avala l’un des nombreux comprimés contenus dans le tube. Ce traitement n’était mentionné nulle part sur son dossier car sinon il serait considéré comme inapte au service et immédiatement renvoyé de l’armée. Il était nécessaire pour combattre une grave maladie génétique issue de sa nature plutôt… inhabituelle.

En effet, Jack était le produit d’une technologie encore très incertaine, illégale mais souvent employé par le SRN pour couvrir certaines de ses opérations : le flash-clonage. Le véritable Jack Foster avait été enlevé par la section 3 en 2517 pour servir dans le projet SPARTAN-II et était alors devenu Jack-115, mais le flash-clone par lequel il avait été remplacé auprès de ses parents avait miraculeusement survécu. En fait, il avait survécu uniquement parce que Edward Foster, le père de Jack, était un scientifique membre de la section 3 et un ami du docteur Halsey qui l’avait prévenu de cette opération. Il avait donc pris les mesures nécessaires pour réagir rapidement aux maladies graves qui frappaient les flash-clones. Ces maladies étaient totalement aléatoires autant en nombre qu’en importance, mais les risques de survie des sujets était toujours quasi nul.

Par chance, la seule maladie qu’avait reçu Jack était une carence grave en biotinidase, une enzyme essentielle pour la dégradation des protéines du corps et la production d’autres composés indispensables. Cette carence était irréparable et ne pouvait qu’être contrée continuellement par l’ingurgitation de ces comprimés riches en biotinidase à raison d’un par jour, et cela pendant toute sa vie, à défaut de quoi il commencerait à présenter de graves symptômes de manque. Ces symptômes pourraient être multiples et iraient de l’hyper ventilation à une diminution critique de l’immunité corporelle, en passant par la surdité et des hallucinations. Si le manque se poursuivait sur plusieurs jours, la mort serait certaine. Heureusement, le père de Jack lui avait fait suivre ce traitement depuis le jour où il avait remplacé son fils naturel.

Alors qu’il avalait sa pilule quotidienne, le jeune homme remarqua que Jill l’observait attentivement. Il avait l’habitude d’être considéré comme quelqu’un de bizarre par les autres personnes, mais c’était plutôt à cause de son comportement. Or, Jill était semblable à lui en ce qui concernait les relations sociales, donc c’était autre chose qui la préoccupait. Il se sentit obligé de lui demander :

- Ça ne t’as jamais effrayé, le fait que je sois un flash-clone ?

- Non, pas vraiment. J’ai été surpris en découvrant ça, je l’admet, mais à ce moment-là je ne te connaissais pas encore.

- Tu as donc su ça avant même de me rencontrer ?

- Oui, comme beaucoup d’autres choses. Mais aucune d’entre elles n’avait plus la moindre importance après le premier jour que j’ai passé dans ton unité. Tu ne peux pas savoir à quel point tu m’as manqué.

- Bien sûr que si je le sais.

Jill sourit. Ni elle ni Jack n’était le genre de personne qui souriait facilement, mais apparemment il était possible de faire naître le bonheur à partir de deux êtres malheureux.

- Quand est-ce qu’on part pour cette fameuse mission ? demanda le caporal.

- Demain à 0600 heures, le temps que les techniciens finissent de préparer le vaisseau. Le reste de l’équipe est déjà à bord et tu seras obligé de les rejoindre une fois que notre petit « entretient » sera terminé.

- Ce qui nous laisse combien de temps ?

A ces mots, la jeune femme s’approcha lentement de Jack et l’attrapa par le col pour coller ses lèvres contre les siennes. C’était la première fois qu’ils s’embrassaient, un évènement qu’ils avaient chacun attendu pendant six long mois avec pour seul compagnie le souvenir de l’autre. Ce geste n’en fut que plus passionné, libérant en quelques instant un torrent d’émotions qui avaient du être réprimées pendant si longtemps, comme un barrage mental qui cède soudain à la première fissure pour inonder leur monde intérieur.

Il leur fallut plusieurs minutes pour se lasser suffisamment de cette sensation pour l’interrompre un moment, le temps que Jill annonce avec tendresse :

- Passons dans ma chambre. Avant de te laisser partir, je dois te faire passer petit examen très particulier.

- Je suis à vos ordres, lieutenant.

CHAPITRE UN : L’ÉQUIPE, LA MISSION


0600 heures, 9 janvier 2534 (calendrier militaire) / frégate de combat CSNU Hollow Lies, spatiodocks de Reach, planète Reach, système Epsilon Eridani.

Les deux amoureux furent tirés de leur rêverie lorsque le bruit du décrochement du sas de sortie résonna à travers le vaisseau et que la poussée d’accélération des moteurs se fit ressentir. Le Hollow Lies allait probablement devoir s’éloigner suffisamment du système Epsilon Eridani en utilisant sa propulsion standard avant de transiter dans le sous-espace, histoire de ne pas attirer l’attention des autres vaisseaux de la flotte. Cela leur laissait une petite demi-heure avant que Jill ne soit obligée de se rendre sur la passerelle de commandement pour entrer les coordonnées spatiales de leur objectif. D’ici là, Jack et elle avait encore quelques petites choses à régler. Ils quittèrent alors le confort du lit de Jill pour se rhabiller, ressentant une certaine gêne à l’idée de devoir cacher cette relation même s’ils avaient d’excellentes raisons pour cela. C’était peut-être plus excitant et du coup plus passionné s’ils craignaient d’être découverts, mais Jack se demandait sincèrement s’ils parviendraient à rester discrets aussi longtemps que le souhaitait Jill. Déjà qu’il aurait du rejoindre le reste de l’équipage la veille, s’il se montrait maintenant alors que le vaisseau s’était détaché des spatiodocks, cela éveillerait bien des soupçons. Il espéra simplement que Jill trouverait une bonne excuse pour expliquer son absence jusque là.

Une fois qu’ils eurent finit de revêtir leurs uniformes, ils se dirigèrent vers les quartiers de l’équipage. Comme toutes les frégates de sa catégorie, le Hollow Lies n’était pas très grand et il était difficile de s’y perdre, aussi leur cheminement ne fut pas long. Tout le personnel n’étant pas indispensables pour le moment était en train de prendre leur dernier petit-déjeuner avant leur sommeil cryogénique, et les quatre autres membres de l’équipe montée par Jill pour cette mission en faisaient partie. Ils s’étaient d’ailleurs assis à la même table dans le but d’échanger quelques paroles et se connaître mieux, une décision apparemment prise par un vétéran des marines à la peau noire comme l’ébène qui tenait le crachoir à tous ses nouveaux coéquipiers avec un talent indéniable. Mais dès qu’ils aperçurent l’uniforme noir et les deux barres d’argent sur l’épaule de Jill, ils se levèrent immédiatement pour se mettre au garde-à-vous et la saluer.

- Repos, déclara Jill après leur avoir rendu leur salut. Soldats, je vous présente le dernier membre de notre équipe : caporal Jack Foster du 115ème régiment du Génie de Bêta Gabrielle. Il sera notre technicien de combat pour la durée de la mission.

- Enchanté, fit le vétéran en tendant la main à Jack qui la serra vigoureusement. Moi c’est Eric Gordman, caporal-chef du 125ème de marines de Reach. Tu veux que je te fasse les présentations ? Je connais déjà presque tout le monde, ici. Jack fut assez amusé par le comportement jovial et amical du soldat qui le dépassait d’au moins une tête et dont les dents blanches contrastaient tellement avec sa peau sombre que c’en était presque effrayant. Il avait le crâne parfaitement rasé, son œil droit était apparemment en verre et la moitié gauche de son cou avait un teint légèrement plus clair car il avait subit une greffe de peau sur toute cette surface qui s’étendait peut-être sur une partie de son torse. La raison devait probablement être une brûlure causée par une arme à plasma covenante, un cas qui devenait de plus en plus courant depuis la guerre avec l’Alliance. Ne voulant pas frustrer le grand soldat, Jack acquiesça de la tête et le dénommé Eric embrailla immédiatement en quatrième vitesse :

- Alors honneur aux dames ! Je pense que tu connais déjà le lieutenant Jill Valentine du SRN, notre chef d’équipe et notre source d’inspiration dans les moments difficiles.

- Doucement Gordman, intervint la première intéressée. Evitez ce genre de sous-entendu lorsque je suis dans les parages.

- Bien compris, lieutenant. Bon, ben alors nous allons passer à l’enseigne Sara Olgana, aussi une femme donc même traitement de faveur. Comme l’indique son grade, c’est une pilote chevronnée à l’aise avec presque tous les appareils volants de la flotte, ce qui en fait notre ange-gardienne céleste qui aura pour dur mission de s’assurer qu’on ne crèvera pas inutilement en l’attendant sous les tirs au milieu de la ZE. Oh, et si tu veux tenter le coup, je te préviens qu’elle est veuve d’un marine mais qu’elle a aussi des jumelles de cinq ans. Perso je suis pas tenté par la paternité, mais si les gosses t’intéressent t’as peut-être une chance.

La-dites Sara était effectivement une femme très belle et attirante, possédant cette petite touche d’assurance masculine caractéristique de l’armée et qui avait tendance à attirer les hommes. Elle avait les cheveux blond coiffés en bol avec des mèches sur le devant englobant un visage aux traits fins et délicats. Dans un bref moment de discrétion, elle fit un clin d’œil furtif à Jack de ses yeux vert rubis pénétrants en y ajoutant un petit sourire intéressé, mais le jeune homme se demanda si c’était une vraie proposition ou simplement un jeu. Quoi qu’il en soit, il n’était pas intéressé. Sa relation avec Jill n’avait rien à voir avec ce qu’il pourrait connaître avec ce genre de femme.

- Et si les nanas ne t’intéressent pas, continua Eric sur le même ton de plaisanterie, nous avons également deux beaux mâles en pleine possession de leurs moyens. Mais par contre, pour ce qui est de leurs tendances, il faudra que tu leur demande toi-même, car je ne fais pas partie de ce bord là, désolé. On va commencer par notre médic Patric Anderson, celui qui te rafistolera les tripes pendant que tu rafistoleras le matos. Si t’as la nausée et que tu sens qu’on a cherché à t’empoisonner à la cantine, c’est lui qu’il faut aller voir : il a été médecin-chirurgien civil dans un grand hôpital de Reach avant de rentrer dans l’armée pour voir plus de vrais blessures et moins de crampes aux mollets. Moi je vais l’emmerder dès que je me casse un ongle. Mais par contre il n’a pas encore beaucoup d’expérience du combat, alors il vaut mieux bien le surveiller au cas où ça chauffe.

Le dénommé Patric avait un visage suffisamment endurci pour montrer qu’il avait toute l’expérience nécessaire pour assurer son rôle au sein de l’équipe. Il devait avoir au moins la cinquantaine, et ses cheveux noirs commençaient déjà à grisonner sur les côtés tandis que son front commençait à se creuser de ses premières rides sérieuses. Ses petits yeux indiquaient un tempérament assez sérieux la plupart du temps, mais là il semblait assez détendu, sans doute grâce aux talents d’orateur d’Eric. Jack fut heureux de voir que Jill avait vraiment sélectionné les meilleurs éléments disponibles pour cette mission, mais se demanda soudain s’il serait à la hauteur de leurs espérances.

- Et pour finir, termina Eric en se tournant vers le dernier membre d’équipe, nous avons un deuxième marine dans le groupe. Moi je suis un simple fusilier, certes très bon mais lui c’est un tireur d’élite, un vrai de vrai, de ceux qui vous allument le cul d’une mouche à trois kilomètres.

- Inutile de me présenter, l’interrompit le marine. Je peux le faire tout seul.

Le soldat s’approcha de Jack à pas lents, comme si la gravité venait soudain d’être doublée, et lui jeta un regard noir inquiétant. Il avait les cheveux blancs coupés cours et les yeux rouges sang caractéristiques des albinos, ce qui devait indiquer peut-être d’autres défauts génétiques sous-jacents. Sa carrure était également assez faible bien qu’il soit nettement plus musclé que Jack et puisse aisément lui mettre une raclée, mais cela lui donnait quand même une apparence moins imposante que celle du géant noir qui partageait le même corps d’armée. Son menton était coupé par une vieille cicatrice trop fine pour avoir été causée par une arme à plasma, ce qui signifiait qu’elle n’était pas due à la guerre contre les covenants, mais peut-être d’une bagarre quelconque en permission ou même avant la guerre. Il devait donc sans doute avoir un comportement violent et agressif, ce qui conseilla à Jack de se mettre sur ses gardes et d’éviter de le provoquer.

- Je m’appelle Ryan Starwalker et je suis le tireur d’élite du groupe. C’est tout ce que tu as besoin de savoir. Je suis là pour couvrir les fesses des bleus tels que le toubib et toi, des foutus spécialistes qui savent à peine tirer dans la bonne direction, mais ne considère pas cela comme de la sympathie. Je ne le fais pas parce que je t’apprécie, mais parce que c’est mon boulot. Contente-toi de faire ce qu’on te demande sans te mettre dans ma ligne de tir et je te protègerai du mieux que je peux. Plante-toi… et je serai le premier à t’exploser la tête pour nous avoir foutu dans la merde. C’est suffisamment clair ? Jack acquiesça lentement de la tête pour donner une réponse aussi claire que neutre de toute émotion. Le marine se retourna alors pour revenir à sa chaise.

- Fais pas trop attention à lui, lâcha Eric. Il n’est pas du genre à vouloir se faire des amis ni à discuter, mais à mon avis tant que vous vous ignorerez mutuellement il n’y aura pas de casse.

- C’est noté. Tu le connaissais déjà avant de venir ici ?

- Non. Mais ce que je sais, c’est qu’il est probablement plus expérimenté que moi.

- Pourquoi ? T’es marine depuis combien de temps ?

- Sept ans. J’ai rejoins les rangs lorsque ma famille a été tuée par les covenants sur Gamma Indi en 2527. Avant j’étais soldat dans une milice privée, mais c’était plus de la protection rapprochée qu’autre chose. Ce mec, par contre, y a des chances qu’il ait été marine toute sa vie.

Le jeune Foster considéra cette possibilité avec prudence. Ryan semblait avoir environ la trentaine, ce qui signifiait quinze à vingt ans de service. Si c’était vrai, nul doute qu’il ait sa place dans cette équipe. Quelle que soit la mission vers laquelle Jill les envoyait, elle devait s’attendre à beaucoup d’ennuis pour recruter ainsi deux vétérans de cette trempe. Jack n’avait encore jamais combattu et sa maîtrise des armes à feu se limitait à deux semaines d’entraînement au tir avec un MA5C qu’il avait du monter lui-même. Face à un soldat tel que Ryan, il n’était qu’un bleu, effectivement. Comme l’avait si bien expliqué le tireur d’élite, sa seule manière d’être accepté dans cette équipe était de faire correctement son travail sur le terrain et de ne pas les gêner.

- Bon, fit brusquement Jill, maintenant que tout le monde se connaît, nous allons nous rendre sur la passerelle de commandement pour ouvrir nos ordres de mission. Suivez-moi.

Le groupe quitta alors le réfectoire du vaisseau et se dirigea vers la proue. Les opérations rassemblant des spécialistes de différents corps d’armée étaient fréquentes au sein du CSNU, que ce soit pour des actions contre les rebelles ou contre l’Alliance, et personne ne se demanda pourquoi ces personnages de différents horizons marchaient ensembles vers un même objectif, ni pourquoi c’était un membre de la Navy qui ouvrait la marche. Lorsqu’ils arrivèrent à la passerelle de commandement, tout le personnel présent salua le lieutenant Valentine, même le capitaine Edward Stampfert qui était en charge de ce bâtiment. Jill se dirigea ensuite vers la table holographique située au cœur du dispositif et qui abritait une IA dont l’apparence était celle d’un homme en tenue d’officier de la Navy à l’allure hautaine. Jill y inséra un bloc de données et l’entité informatique disparut, mais rien d’autre ne s’afficha sur la table holographique.

- A tous les membres d’équipage présents sur ce pont, commença-t-elle d’une voix forte, ce que vous allez apprendre dans les prochaines minutes est classé top secret et ne doit pas être répété en dehors de cette pièce. Ceux qui braveront cet interdit seront coupables de haute trahison selon les protocoles de sécurité du SRN section 1.

«  Il y a maintenant vingt-quatre jours, une sonde d’espionnage du CSNU envoyé dans l’espace profond a détecté un signal de détresse provenant de l’un de nos vaisseaux. En réponse, l’amirauté envoya la frégate de combat Fire Myst pour enquêter sur place. Alors même qu’elle parlait, la table stratégique s’alluma pour afficher l’ordre de mission donné au Fire Myst par l’amirauté. Il était daté du 28 décembre 2533. Jack en conclu que quoi qu’il se soit passé entretemps, cela s’est passé très vite.

- Mais deux jours, continua-t-elle, cette même frégate se mit elle aussi à émettre un signal de détresse depuis ces mêmes coordonnées. Nous sommes la deuxième équipe envoyée pour découvrir ce qui se passe. L’ordre de mission disparut pour faire place à une carte galactique sur laquelle Jill ordonna un zoom au niveau d’un point précis de l’espace apparemment perdu au milieu de nulle part, et où deux triangles rouges apparurent, clignotant d’une lueur inquiétante.

- Les deux vaisseaux en question se trouvent dans le vide intersidéral séparant la constellation du Centaure et celle du Scorpion, à 6,37 parsec d’Alpha Centauri pour être plus précise. Nous pouvons donc en déduire que le premier vaisseau a eut un problème d’ordre technique au niveau de ses moteurs, mais nous devons également envisager la possibilité qu’il s’agisse d’un piège tendu par l’Alliance. C’est pourquoi cette frégate a été équipée du dernier système de furtivité développé par la section 3 du SRN, de façon à ce que si l’ennemi nous attend là-bas, nous ne soyons pas repérés et puissions prévenir l’amirauté de ce stratagème.

«  Notre objectif est donc simple : transiter vers les coordonnées de ces deux bâtiments, évaluer la situation et si c’est possible, tenter de leur porter secours. Dans le cas contraire, nous avons ordre de revenir vers Reach le plus tôt possible pour faire notre rapport. Des questions ?

- Oui, fit immédiatement Ryan. Pourquoi pensez-vous qu’il s’agisse d’un piège des covenants ?

- Et bien parce que le premier signal de détresse indique qu’il provient d’un vaisseau disparu depuis 2531 : le Spirit of Fire.

A ce nom, Ryan manqua de s’effondrer sous le coup de la surprise. Jack avait déjà entendu ce nom auparavant : c’était celui d’un destroyer du CSNU qui avait participé à la campagne de reconquête de Reach, puis qui avait subitement disparu sans laisser de tracer juste après un bref passage sur Arcadia. Pour que cela affecte autant Ryan, il devait avoir une histoire particulière liée à ce bâtiment. C’était peut-être en rapport avec son comportement atypique, mais il valait mieux garder ce genre de réflexion pour plus tard.

Afin de remettre un peu le soldat de ses émotions, Jill lui expliqua :

- Désolé de devoir rabaisser votre fierté personnelle, caporal Starwalker, mais vous n’avez pas été sélectionné pour votre habilité au tir, mais parce que vous êtes l’unique personne à notre disposition qui ait une connaissance aussi avancée de ce vaisseau. Si nous sommes obligés de l’aborder au cours de notre mission, vous nous servirez d’éclaireur. Compris ?

- … Compris, lieutenant.

- Bien. Personne d’autre n’a de question ? … Parfait. Alors nous allons pouvoir nous mettre en route. Capitaine, je vous donne les commandes jusqu’à notre arrivée aux coordonnées indiquées sur cette carte. Programmez un réveil cryogénique six heures avant, que nous soyons en plein possession de nos moyens le moment venu. Ce briefing est terminé. Rompez.

Posté le : 27/02/2010


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