DIVERS - Fan fiction
A Spartan Tale
Chapitre 1
2021 heures, 6 Juillet 2552 (Calendrier militaire du CSFDNU), Algolis, Système Algol
Nikola-054, Arsenik One, avait le regard fixé sur la couverture d’un rouge sanglant du crépuscule. Dans la soute ouverte du Falcon, à ses côtés, était assis Thomas-077, Arsenik Two, qui le dépassait de deux bonnes têtes et prenait plus de place que n’importe quel autre membre de l’escouade. Il possédait un énorme plastron affublé d’un protège-nuque et de deux énormes couteaux de combats, un de chaque côté du torse.
Un soupir attira l’attention de 054. Il tourna la tête, chaussée d’un casque Mark V bidouillé par ses soins, pour regarder le Spartan-III en face de lui. Une main sur la tourelle latérale, l’autre tenant un DMRM392, Kevin-213, Arsenik Three, le fixa à son tour. Ni l’un ni l’autre ne dirent cependant mot qui en vaille la peine.
Les rotors des deux Falcons fendant le crépuscule résonnaient à travers la vallée en contrebas. Nikola jeta un coup d’œil au véhicule adjacent : de la soute de celui-ci, un Spartan vêtu d’une armure qui pourrait facilement se confondre avec de la verdure lui adressa un signe du pouce, tout en gardant dans son autre main l’arme pour laquelle il avait été engagé dans cette mission : un SRS99AM, autrement dit un fusil de sniper à balles perforantes de calibre 14.5, de quoi facilement trouer l’armure d’un Elite Covenant et faire exploser ses organes vitaux. Hugo, Spartan-192, Arsenik Four. Un tireur comme Nikola n’en avait jamais vu auparavant. Il était capable de rester presque une semaine sans manger, camouflé en hauteur, à attendre le passage de la cible qui ferait toute la différence.
A côté du sniper, tête appuyée contre le siège, sûrement perdu dans ses pensées, se tenait Florian-237, Arsenik Five. Ses mains gantées étaient croisées sur ses cuisses, et son M41 Jackhammer à double canon et visée anti-véhicules reposait au-dessus de lui, accroché au plafond. Un H-165 Target Locator, un minuscule engin capable de commander des tirs de canon antimatière depuis l’espace, était accroché à sa ceinture. Tous étaient silencieux.
Tous attendaient l’heure.
- Équipe Arsenik, grésilla la voix du pilote du Falcon de Nikola dans la COM, préparez-vous, atterrissage dans… qu’est-ce que c’est que ça ?
La voix du pilote avait brusquement changée de ton. Elle était paniquée, à présent. Nikola raffermit sa prise sur son lance-grenades M319 et banda ses muscles, prêt à passer à l’action. Thomas, à ses côtés, se saisit de son Laser Spartan.
- Des Banshees ! s’écria le pilote, ils vont…
Nikola réagit en à peine un quart de seconde. Grâce à ses améliorations lors de l’exécution du Projet CHRYSANTHEMUM qu’il avait subi comme tous les Spartans-III, son temps de réaction avait été augmenté de trois cent pour cent par rapport à la normale. Il saisit une poignée placée au plafond et sentit en même temps la secousse provoquée par l’impact de la boule de plasma bouillante venant de pulvériser le cockpit de son Falcon. L’appareil vira de bord et son hélice droite alla percuter celle de gauche du deuxième Falcon. Nikola entendit Florian jurer dans la COM alors qu’ils étaient bringuebalés en tous sens.
- Spartans, préparez-vous au crash ! cria Nikola, qui voyait le sol se rapprocher dangereusement vite.
Il sentit une main agripper le col de son armure et vit Thomas le soulever, grognant comme un buffle, et le balancer hors de la soute, loin des deux vaisseaux. Le colosse fit de même avec Kevin, qui était minuscule à côté de lui, puis sauta de la carcasse avant que celle-ci ne vienne violemment s’écraser contre le flanc d’une petite falaise, provoquant une explosion ainsi qu’un vacarme assourdissant. Le deuxième Falcon disparut en tournoyant derrière l’éminence rocailleuse, et Nikola put entendre Hugo crier dans la COM :
- Saute !
Quelques secondes plus tard s’ensuivit un nouveau bruit d’explosion. Nikola ne put même pas se demander si ses frères d’armes étaient encore vivants qu’il percuta lourdement le sol et roula plusieurs fois sur lui-même dans un nuage de poussière. Il resta plusieurs instants immobile, allongé sur le sol. Après un silence interminable, il se releva en titubant et regarda autour de lui. Sa tête lui faisait affreusement mal, mais il n’y prêta pas attention et se concentra plutôt sur la silhouette étalée quelques mètres plus loin. Il s’en approcha d’un pas incertain et s’agenouilla en remarquant qu’il s’agissait de Kevin, couché sur le dos, sa visière reflétant le crépuscule orange paré de nuages violets.
- Ça va ? demanda le Spartan au casque de Helljumper modifié.
Kevin bougea légèrement la tête, faisant danser les nuages déformés sur sa visière.
-Joli plongeon, mais la réception est à revoir, dit-il.
Nikola lui tapota l’épaule et se releva :
- Allez, debout. La mission vient à peine de débuter.
Un grognement attira son attention. Thomas époussetait son énorme armure, l’air apparemment peu secoué par l’atterrissage à la dure. Nikola s’approcha de lui. Il était peu adapté à regarder encore l’étrange casque que portait son ami de formation. On l’appelait le casque GUNGNIR, porté par de rares participants au projet portant sur les essais du W/AV Model 6 Grindell/Galilean NR et adapté afin de s’ajuster à la précision du viseur de l’arme, plus connue sous le nom de Laser Spartan dans l’armée. Le casque avait la curieuse particularité de ne pas posséder de visière comme les casques Spartans standards, mais un bloc compact avec un réticule de visée sur l’œil gauche. L’œil droit était pour ainsi dire inutile, mais cela ne gênait absolument pas Thomas, puisque le réticule était adapté pour ajuster la visée du Laser. En revanche, dans les combats au corps-à-corps dont le titan était adepte, il devait faire très attention et compter sur son étonnante agilité pour la masse de muscles qu’il était.
Nikola fronça les sourcils en le voyant. Bien qu’étant un trio de guerriers inséparables, eux et Kévin, depuis leur enfance, il était encore parfois légèrement troublé par la cruauté dont son ami pouvait faire preuve. Leur devoir était de tuer, mais Nikola avait déjà vu le Spartan-077 torturer un Elite avec sa propre épée à énergie avant de l’achever dans un cri de rage et de jubilation. Il avait commencé par lui cisailler le torse, en détacher la peau, couper ses mandibules, ses bras puis ses jambes, avant de lui planter la lame dans le crâne, laissant le cadavre gisant contre un mur recouvert de sang. La seule justification que Thomas avait pu appeler à lui était bien sûr la vengeance. La même raison qui avait poussé plus de neuf cent-trente orphelins de différentes colonies tombées aux mains de l’Empire Covenant à devenir des supersoldats meurtriers constituant la nouvelle génération de Spartans, après celle des légendaires Spartans-II. Les Spartans-III étaient moins rapides et moins forts, mais constituaient tout aussi bien une menace pour la coalition extraterrestre.
Le Spartan-054 adressa un bref signe de tête à son ami et enclencha la COM privée de l’escouade, branchant le signal sur les liaisons d’Arsenik Four et Five :
- Quelqu’un me reçoit là-bas ?
- Au poil, chef, répondit Hugo, Arsenik Four. 237 le fait bien savoir, comme d’hab’.
Nikola entendit une autre voix crépiter légèrement dans la communication, débitant un flot d’injures bien senties.
- Ramenez vos miches par là, trancha Nikola.
- C’est que c’est raide par là… fit remarquer Hugo.
- Alors on contournera, répondit le leader. Y’a bien un croisement au bout de cet escarpement. One, terminé.
- Four, reçu. On vous rejoint dès que possible.
Nikola s’en retourna à la carcasse du Falcon, tombée du haut de la falaise. Le corps du pilote calciné pendait par la vitre éclatée du cockpit. Deux caisses de munitions avaient étalées leur contenu un peu partout autour. Le Spartan en armure noire et acier soupira et se baissa pour récupérer les plaques d’identification du militaire ainsi qu’une dizaine de grenades qui attacha à son bras droit. C’était qu’il était déjà bien chargé en explosifs, et pas des moindres : ses grenades adaptées au M319 qu’il portait habituellement faisaient le tour de son bassin, et son torse étaient paré d’explosifs d’un genre un peu particulier, puisqu’il s’agissait de grenades à plasmas, autrement dit un matériel offensif ennemi. Le CSNU ainsi que le SRN avait fermé les yeux sur cette petite infraction au règlement, mais c’était bien parce qu’il savait s’en servir avec parcimonie. L’artificier était un spécialiste des grenades, mais avant tout, ce qu’il préférait, c’était ces orbes bleus qu’il dérobait aux cadavres ennemis sur les champs de bataille et qu’il gardait pour ses prochaines missions. Il s’en faisait des bandoulières entières qu’il attachait à son torse et exhibait fièrement, non sans protections afin d’éviter qu’un tir, qu’il soit allié ou ennemi, vienne « accidentellement » en faire péter une alors qu’il serait à court de bouclier.
Thomas le rejoignit d’un pas lourd, chercha son arme des yeux et finit par la repérer… la crosse dépassant de sous le Falcon. Il se pencha, saisit d’une main le bord de la soute ouverte et souleva légèrement le véhicule en grognant. De sa main libre, il récupéra le Laser décoincé et lâcha la charpente qui reprit sa position initiale de crash dans un grincement. Il observa un instant le Laser Spartan déformé, broyé, marmonna dans sa barbe et le jeta au sol comme un vulgaire fétu de paille. Il fouilla dans les caisses mais hormis des cartouches, aucune arme n’était présente. Nikola le sentit qui commençait à s’énerver, et lui posa une main sur son épaulière COMMANDO, énorme en contraste avec son autre épaulière HAZOP, qui elle était minuscule car, se situant sur le bras utilisant l’arme, devait être plus souple selon le colosse afin de favoriser la visée rapide.
- Du calme. On te trouvera bien une pétoire en chemin.
- Et tu comptes me la sortir d’un buisson ? persiffla Thomas, ses poings massifs serrés.
- Non, mais y’a des chances qu’on tombe sur du monde.
Kevin s’était rapproché d’eux. Il avait son DMR accroché dans le dos, et tenait dans la main droite le lance-grenades de Nikola, qu’il lança au concerné. Dans sa gauche se trouvait un fusil d’assaut MA37, que Thomas lui arracha sans hésitation. Kevin n’en fut pas surpris. Thomas avait toujours été brutal avec eux, bien que plus communicatif qu’avec n’importe qui d’autre. En mission, il ne se faisait pas prier et savait où se trouvaient ses priorités. Le devoir avant tout.
Ils se mirent silencieusement en marche, suivant le chemin de terre tracé naturellement à travers la vallée, ne perdant pas de vue la falaise verdâtre qui les surplombaient.
Le soir tombait rapidement. Le groupe allait très vite se retrouver dans l’obscurité, mais ce n’était pas un problème. Pas pour eux en tout cas.
Dans la semi-pénombre, Nikola réfléchissait tout en restant vigilant au moindre signe avant-coureur d’attaque. Ils étaient censés avoir rejoint le point de rendez-vous du centre de recherche sur l’armement T12A afin de le protéger de l’occupation ennemie présente sur la planète en raison de ce qu’il renfermait. Les Spartans étant de simples soldats, ils n’étaient pas mis au courant de ce genre de choses, mais Nikola ne s’en formalisait pas. Ils faisaient leur devoir, rien de plus. Mais ils n’avaient pas prévus l’embuscade, les Covenants venant tout juste d’apparaître dans le secteur orbital d’Algolis et n’ayant pas encore eu le temps de déployer des forces en atmosphère. Du moins était-ce ce que le CSNU avait affirmé.
La vallée n’était pas vaste, aussi se retrouvèrent-ils vite au croisement attendu. A peine arrivés, des pas se firent entendre derrière eux. Le trio se retourna rapidement, sur ses gardes. Florian, lance-roquettes sur l’épaule, leur adressa un signe de main :
- Woho. C’est nous.
Nikola lui rendit un signe de tête et les deux guerriers en armure les rejoignirent.
- On a essayé de joindre le QG, déclara Hugo. Sans succès.
- Ils brouillent nos communications, ajouta Florian. Ils savent qu’on est là.
- Alors ne trainons pas, ordonna Nikola. Essayons de rejoindre le centre d’armement le plus vite possible.
Thomas tourna la tête vers les autres et leur fit signe de se bouger. D’une certaine manière, il n’y avait pas de leader dans l’équipe. Même si chacun avait un tempérament un peu particulier, ils savaient où se situaient les limites de l’insubordination qui mènerait au désordre et ne cherchaient jamais à poser un pied derrière la ligne. Bien sûr, il arrivait parfois que de petits désaccords surviennent, mais le groupe comportait heureusement quelques esprits moins têtus que les autres, tels Kevin-213 ou Hugo-192, pour arranger la situation. Nikola savait qu’il pouvait compter sur eux. Qu’il pouvait compter sur chacun d’entre eux, et vice-versa.
Ils arrivèrent en bordure d’une jungle à l’apparence peu dense mais terriblement sombre en raison de la tombée subite de la nuit. Nikola porta une main à son casque et appuya sur un petit réticule dépassant à côté de sa visière bleue. Aussitôt, un rayon balaya la visière qui fit passer son affichage tête haute en mode de vision nocturne. Tout en sachant que les autres n’avaient pas à faire cette manœuvre, Nikola éprouvait toujours de la frustration à cet égard. C’était que les améliorations destinées à stabiliser l’inversion de la rétine afin de créer une vision nyctalope naturelle lors du projet CHRYSANTHEMUM n’avaient malheureusement pas pris effet sur le Spartan-054, et que ce dernier avait dû se construire lui-même ce petit atout après avoir gagné le casque qu’il portait...
Alors que le groupe se remettait en marche, le Spartan au casque Mark V se remémorait l’acquisition de ce dernier. Il y avait douze ans de cela, l’UNSC recherchait des volontaires pour tester une nouvelle version du casque de la lignée des Mark. Bien sûr, il était trop risqué de piocher dans les précieux Spartans-II, au cas où le casque subirait des défaillances en plein combat qui pourraient être fatales au porteur. Alors on avait fait appel aux petits frères, les Spartans-III. Nikola s’était porté volontaire. Le test avait été un succès, et en récompense, il avait eu droit de garder le casque. Il l’avait peint en violet, pour compléter son armure qui portait déjà cette couleur, couplée à un vert sale. Beaucoup de ses frères l’avaient qualifié d’« excentrique », mais pour Nikola, ces couleurs signifiaient son détachement du reste de ce qu’il nommait la « norme Spartan ».
- Chef ?
La voix d’Hugo résonnant dans la COM le tira de ses pensées, qui n’avaient pourtant distrait son attention qu’une fraction de seconde.
- Qu’il y a-t-il, Four ? demanda l’artificier, progressant à travers la végétation dense de la jungle en écartant lianes et plantes basses sur son passage.
- Ne bougez plus… chuchota le sniper dans la COM. A dix mètres, devant vous. Un contact ennemi.
Nikola s’immobilisa, caché entre deux grandes fougères. Hugo avait une vue exceptionnelle et l’avait pris de court. Si personne d’autre n’avait rien vu, c’était que l’ennemi était camouflé. Mais, heureusement pour l’escouade, rien, ou presque, n’échappait au Spartan-192.
- Un Elite ? siffla le leader.
- Vu la silhouette, ça ne fait aucun doute, murmura Hugo dans la liaison. Plus personne ne bouge.
- C’est impossible qu’il soit seul, grogna Kevin. Laissez-moi quadriller le périmètre et…
- Non, répliqua Nikola, interdiction formelle de bouger. Four, situation ?
- Il ne bouge pas, il se contente de rester à son poste, souffla Hugo, caché bien plus loin sur la droite de Nikola, dans les fourrés, viseur aligné avec la pupille.
- Three, à gauche, ordonna Nikola. Vois si tu peux avoir les autres. Je vais voir à droite.
Il était trop risqué d’envoyer Thomas ou Florian. Non pas qu’ils étaient incompétents, mais la carrure de l’un et l’arme de l’autre compromettraient l’effet de discrétion. Il rangea lentement son lance-grenades et sortit le magnum qui était attaché à sa ceinture… accroupi dans l’obscurité de la jungle, il se mit à progresser en diagonale, les lianes caressant le haut de son armure, presque imperceptible dans le noir. Il devait faire attention au moindre mouvement, de la fougère se balançant légèrement dans l’air à la luciole virevoltant dans l’air… il en suivit une brièvement du coin de l’œil et stoppa net. Celle-ci s’était immobilisée en plein vol. Il la regarda plus attentivement. Elle restait là, en l’air, les ailes repliées… comme posée sur quelque chose d’invisible. Il regarda alors le décor derrière celle-ci. Il semblait déformé. Un grondement coula doucement dans ses oreilles.
- Merde ! s’exclama le Spartan dans la COM. J’en ai un, j’en ai un !
Il esquissa un mouvement pour lever son arme mais trop tard. Une main invisible bloqua son poignet et une silhouette se matérialisa devant ses yeux. L’Elite, haut de deux mètres soixante et vêtu d’une armure grise, dévoila sa dentition acérée séparée en quatre mandibules qui s’étaient ouvertes pour laisser échapper un sourd grognement. Il leva une épée à énergie dont la lueur argentée produite par ses deux lames triangulaires apposées parallèlement l’une à l’autre éclairait les environs et Nikola se saisit de sa main à deux doigts et deux pouces opposés pour essayer de l’écarter. Peine perdu, l’Elite était plus fort que lui. Il leva son épée dans un air de triomphe bestial, et sa tête explosa dans un geyser de matière grise et de cervelle. Hugo était intervenu juste à temps. Une autre balle siffla plus loin, annonce de la mort de l’ennemi inattentif. Nikola se débarrassa du cadavre sans tête et parla dans la liaison de l’escouade :
- Three ?
Pour toute réponse, un cri d’agonie rauque retentit dans la COM. Un instant plus tard, la voix sereine de Kevin répondit :
- C’est bon, ça va. Ennemis neutralisés.
Nikola souffla à travers le filtre de son casque.
- C’est bon, on avance. Mais faites attention.
- Dit-il, lâcha Thomas d’un ton faussement moqueur.
Nikola l’ignora et enjamba le Sangheili mort. Avançant cette fois avec encore plus de précaution, il restait tendu, prêt à réagir au moindre miroitement dans l’air. Mais au fur et à mesure qu’ils s’apprêtaient à quitter cette jungle, aucune lueur argentée ne vinrent les avertir de la présence qu’un quelconque nouvel adversaire…
Au bout d’une heure et demie de pérégrinations à travers fougères et mousses, Nikola perçut enfin une colline au loin entre deux arbres. Il écarta une énième liane et s’arrêta devant la plaine qui s’offrait au groupe de Spartans émergeant. La nuit avait recouverte de son drap bleu marine le monde d’Algolis. Une myriade d’étoiles commençaient à pointer paresseusement le bout de leur nez gazeux au-dessus d’eux. Nikola s’arrêta un instant pour les contempler. Il n’avait pas vu un ciel comme ça depuis la terre ferme depuis des semaines… des souvenirs lui revinrent succinctement en mémoire. Son père. Sa mère. Sa famille, là-bas, sur Asmara, qui goûtait un bonheur simple et paisible. Et puis l’obscurité, entrecoupée de flashs, d’explosions, des cendres virevoltant dans l’air avec des étincelles.
Nikola secoua la tête. Ce n’était pas le moment.
- Regardez, fit Florian en pointant du doigt une colonne de fumée au loin. On dirait qu’on n’est pas seuls dans le coin, finalement.
Le leader de l’équipe Arsenik fixa la fumée qui s’élevait dans la nuit, peu visible sur ce fond sombre. Il suivait les lents roulis des fumerolles dans l’air, comme hypnotisé. Rangeant son M6D, il tira son lance-grenades, enleva la sécurité et regarda son escouade au grand complet à ses côtés.
- Messieurs, dit-il, c’est le moment d’aller botter quelques culs, et peut-être sauver des vies si ces fouilles-merde n’ont pas encore fait le ménage. Spartans, en avant !
Chapitre 2
2236 heures, 6 Juillet 2552 (Calendrier militaire du CSDFNU), Algolis, Système Algol
Nikola crispa son poing libre, l’autre étant occupé par la poigne sur son arme à projectiles explosifs. Il détourna la tête du spectacle désolant qui s’offrait en contrebas et regarda son équipe de Spartans, immobile, comme lui, sur cette colline, observant les allées et venues des vaisseaux de largages Covenants surnommés « Phantoms ». Leurs silhouettes violacées se reflétaient au-dessus des bâtiments de la ville en proie aux flammes provoquées par les tirs de plasma brûlants.
Personne ne parlait. En cet instant précis, jamais l’escouade n’avait été aussi émotionnellement liée. Chacun souffrait le mal commun en silence. Chacun revivait, avec cette vision d’une civilisation en train d’agoniser, son enfance.
Ce fut Florian qui reprit la parole en premier. De ce que Nikola savait, il venait d’Eridianus-II, comme certains autres Spartans. Lui aussi avait perdu une part de son âme dans cette guerre. Nikola espérait simplement, comme pour eux tous, qu’il réussirait à ne pas laisser l’autre partie derrière lui.
- Quelqu’un sait où on est ?
- En Enfer, répondit sombrement Hugo-192.
Nikola n’aurait pas su mieux dire. Les Spartans étaient les âmes damnées de l’humanité. C’était à eux qu’était transmis le fardeau de devenir des êtres inhumains pour ceux qui leur devait la vie. Nikola, pour sa part, ne se souciait guère de ce qu’il était aux yeux des autres. C’était son choix, et il ne pouvait plus reculer. Il ne savait pas exactement dans quoi il s’était lancé, mais ses objectifs étaient bien clairs : tuer, détruire, anéantir autant que ces aliens avaient détruit, anéanti son existence.
Le leader se reprit, joua des épaules et lança un simple « Allons-y » en guise de directive.
Le groupe descendit la colline au trot et arriva rapidement en bordure de la ville. Ils sautèrent à bas du toit d’un petit bâtiment et prirent à l’angle d’une petite ruelle. Ils déboulèrent alors dans une avenue déserte, mais dévastée. Les voitures étaient renversées et calcinées, les réverbères éteints, les murs pavés de traces de plasma noirci… et des cadavres jonchant le bitume. Peu étaient Covenants (et encore, ce n’était que des Grognards). Le reste était un mélange de civils et de soldats humains.
Nikola vit Kevin s’agenouiller près du corps d’un marine face contre terre, le soulever et prendre son pouls. Il secoua tristement la tête et abandonna son inspection de toute évidence inutile. Il n’y avait aucun survivant ici.
Nikola balaya la rue du regard. Dans la nuit bleutée, rien ne bougeait. Son radar n’indiquait aucun mouvement suspect, mais il savait bien que ça ne durerait pas. Si aucun Covenant ne se rameutait ici, ce serait les Phantoms qui passeraient faire le ménage. Et ils n’avaient pas de quoi les en empêcher.
- Kevin, appela le leader d’un ton calme.
L’interpellé se redressa, regarda encore une seconde le cadavre du soldat, puis se dirigea vers lui.
- Chef ?
Nikola le considéra un instant. Son allure décontractée inspirait une certaine admiration au grenadier.
- Il faut qu’on se tire d’ici. C’est pas notre boulot de faire le ménage dans ce qui reste de cette ville. Tu aurais un moyen de contacter le colonel Canaan ?
Kevin haussa les épaules et leva ses mains en signe d’impuissance.
- A moins de trouver un centre de communication, non.
Evidemment, songea Nikola. La liaison n’allait pas sortir de nulle part. Les Covenants avaient brouillé leur COM, mais il n’était pas exclu que le centre de communication local soit encore en état de fonctionner en raison du fait que les Covenants patrouillant dans le secteur ne devaient pas avoir de brouilleur sous peine de s’empêcher de communiquer eux-mêmes.
- Bon ben alors allons-y, dit Hugo en regardant les deux Spartans à travers son étroite visière noire qui lui donnait l’air d’un faucon.
Cette phrase balancée l’air de rien témoignait cependant de la tension qui prenait place au sein du groupe. Ils étaient au milieu d’une ville occupée par l’ennemi, ville sans doute sur le point de se faire vitrifier, et ils allaient se jeter dans la gueule du loup comme des agneaux bien dociles.
« Mais des agneaux qui comptent bien ressortir vivants par le cul de la bête » pensa Nikola, qui se surprit à faire d’aussi bizarres métaphores.
Une fois de plus, ils n’eurent d’autre choix que de se mettre en route, plus que jamais sur leurs gardes. Ils progressaient lentement le long des rues et des avenues, rasant les murs et balayant les environs du canon de leurs armes. Nikola sentit une sensation habituelle marteler sa poitrine. Son rythme cardiaque était plus élevé que d’habitude en raison de la situation qui n’était pas vraiment à leur avantage. Mais combien de fois ne l’avait-elle pas été… il n’arrivait même plus à compter.
Ils arrivaient à l’angle d’une rue. Un cône de lumière écrasé sur le bitume apparut brusquement devant eux, mais n’alla pas plus loin. Il resta statique quelques secondes, puis repartit derrière l’angle.
Nikola, en tête de file, se tourna vers ses coéquipiers et fit un signe de tête en direction de l’angle à l’adresse du Spartan-213. Ce dernier passa devant les autres et se posta juste de façon à pouvoir passer la tête par-dessus l’angle du mur.
- Merde… lâcha-t-il. Du monde, comme prévu.
- Et si on se joignait à la fête ? lança Florian avant que Nikola ait pu dire quoi que ce soit.
Nikola ne les connaissait que trop bien. Avant qu’un autre ait pu dire un seul mot, il leva la main d’un geste sec pour les inciter au silence. De vrais gamins. Des gamins de deux mètres capables de destruction massive.
- Combien ? demanda-t-il d’une voix grave.
Kevin resta un instant silencieux, immobile, observant, décomptant.
- Au bas mot, je dirais une cinquantaine, répondit-il sans bouger. Je crois bien que c’est le centre-ville.
- Je ne comprends pas, intervint Hugo, ils ne comptent pas vitrifier le secteur ?
- Ils cherchent quelque chose, oui, répliqua Thomas.
- J’en ai bien l’impression, dit Kevin. Ils se mettent à quadriller le secteur.
D’un geste brutal, il se recolla contre le mur, regarda les autres et chargea son DMR :
- Ça vient par là. Trois Elites et une dizaine de Grognards.
Thomas dégaina un de ses énormes couteaux et l’aiguisa contre son énorme armure. La lame crissa contre le titane.
- On y va discret, hein.
Nikola sortit son M6D. Le temps semblait ralenti. Il enleva le cran de sécurité. Sans un mot, Hugo se releva à moitié et, toujours courbé, recula plus loin de l’autre côté de la rue où il se posta derrière une carcasse de voiture. Kevin vissa un embout épais au bout du canon de son arme, et mit un doigt devant son casque. Personne ne fait plus aucun bruit, fin de la discussion.
Florian restait en retrait. Sur le coup, celui qui était à même le moins utile. Il gardait néanmoins son Jackhammer prêt, au cas où. Il y avait toujours des cas où avec les Spartans.
La première silhouette apparut. Un Grognard, seul, qui avait sans doute voulu jouer les téméraires. Kevin l’attrapa par le cou, le tira à lui, prit sa tête à deux mains et lui brisa la nuque. L’action avait été rapide de trois secondes au maximum, silencieuse et emportée à la fois.
Un grognement se fit entendre. Malgré tout, la disparition subite du petit alien n’était pas passée inaperçue aux yeux de ses compagnons qui ne se trouvaient pas loin derrière. Kevin s’écarta du mur au moment où un énorme Elite à l’armure blanche fit irruption et frappa violemment le mur devant Nikola, à l’endroit où se trouvait Kevin quelques secondes auparavant. Le grenadier et l’extra-terrestre échangèrent un regard. Tout semblait ralenti. Nikola plongea ses yeux dans ceux jaunes et reptiliens du Sangheili ; il y voyait couler un torrent de haine et de barbarie sans nom. Il vit les muscles noirs de ses épaules uniquement protégées par une combinaison onduler alors que l’Elite se déplaçait pour lui porter un coup qui fendrait à coup sûr son casque. Nikola fit un geste pour parer l’attaque mais un trait de gaz siffla, frôlant son bras, et vint percuter le bouclier énergétique de l’Ultra qui fit un bond en arrière. Nikola n’hésita pas. Il leva son M6D et, sans prendre le temps d’ajuster sa visée, tira deux balles. La première s’engouffra dans le plastron, la deuxième traversa fissa la moelle épinière en entrant par la gueule ouverte de l’infortuné qui se voyait déjà maître de flotte. Il s’écroula sur le bitume, emportant avec lui des rêves de gloire déjà hors d’atteinte de son vivant.
Une poignée de Grognards firent leur apparition derrière le cadavre. Ne serait-ce que des recrues, ils se seraient déjà enfuis. Mais ceux-là étaient malheureusement un peu plus expérimentés et téméraires, en armure rouge. Ils poussèrent des invectives covenantes ressemblant à des aboiements et brandirent leurs petits pistolets à plasma. Petits, mais dangereux. Nikola connaissait bien ces saloperies. Il possédait la signature de l’un d’eux sur la cuisse gauche.
- Feu ! Feu à volonté !
Il vida son chargeur sur l’escouade ennemie mais ce fut Kevin, armé de son redoutable DMR et de sa précision, qui en abattit la majeure partie. Les balles claquèrent dans l’air glacial de la nuit alors que les petits aliens trapus rejoignaient le Grand Voyage l’un après l’autre. Nikola serra les dents en comprenant aux bruits de fond que l’alerte avait été donnée dans le district.
« Ah, discret hein… » songea-t-il avant de prendre son lance-grenade.
- Spartans, on se bouge, dispersion ! ordonna-t-il en se levant.
Ils entrèrent dans le boulevard en s’éparpillant sur les côtés. Le centre était occupé par une immense fontaine de pierre, encerclée par des bivouacs Covenants. La statue d’un éphèbe pointait son doigt de pierre vers le ciel étoilé, quoique caché par une tour de verre. L’eau s’écoulait dans le bassin déroulé autour de ses pieds. Et les Covenants autour observaient avec force meurtre dans le regard les nouveaux arrivants s’incruster dans la fête.
Nikola prit à gauche, accompagné de Thomas dont la silhouette massive et lourde n’enlevait rien à sa grâce, égale à celle d’une locomotive lancée à train de fond. Déjà des Covenants leur barraient la route. Arsenik Two, le couteau tellement serré dans la main que ce dernier n’était pas prêt de cramper, fonça sans un mot sur l’Elite de la bande et le jeta à même le sol d’une manière si violente que le bouclier de ce dernier se déchargea presque entièrement. Le colosse humain n’attendit pas de voir sa réaction, posa un énorme pied sur son plastron et, se penchant sur lui, lui ouvrit le crâne en deux sur la longueur avec son poignard. Le casque du Sangheili émit un crissement semblable à une boite de conserve qu’on essaie d’ouvrir. Et bon appétit, cervelle de poulpe pour midi.
- Écarte-toi ! lança Nikola, alignant son lance-grenade perpendiculairement par rapport à sa visière.
Son frère d’armes ne se fit pas prier et, avec un grognement, se dégagea du cadavre pour laisser le champ libre au leader. Nikola visa l’amas de Grognards en furie qui prenait Thomas pour cible et appuya sur la gâchette. La grenade partit avec un chuintement sec et pétaradant, décrivit un arc-de-cercle avant d’atterrir devant trois Grognards. Bip… et boum. Le trio fut déchiqueté en morceaux, agrémentés de sang d’un bleu fluo jaillissant dans tous les sens, avec les compliments du chef. Il restait encore deux recrues, qui prirent immédiatement la fuite, l’un d’eux ayant perdu un bras de l’explosion. De son moignon sortait des jets de sang extraterrestre qui s’étalait un peu partout derrière lui. En deux pas, Thomas fut sur eux. Il projeta le plus proche à terre et broya sa petite tête d’un coup de pied bien placé, et acheva le deuxième blessé en shootant dedans, défonçant sa cage thoracique et l’envoyant bouler à plusieurs mètres d’ici par la même occasion.
Nikola se retint de dire quelque chose. Les méthodes de son ami d’enfance étaient parfois quelques peu expéditives. Mais tant que le résultat était là, on n’allait pas cracher sur les moyens mis en œuvre.
De l’autre côté du boulevard, les trois autres s’en sortaient comme des petits chefs. Déjà trois escouades ennemies en moins, dont une entièrement balayée par le Jackhammer de Florian. Nikola reporta son attention sur une autre escouade qui arrivait sur eux. Trois Elites, un Major et deux Minors. D’un geste concis et assuré, Nikola leur envoya une patate explosé à leurs pieds mais seuls leurs boucliers furent neutralisés. Thomas, à côté de lui, s’agenouilla et balança son poignard dans l’œil d’un des Minors qui s’effondra en hurlant, portant ses mains à deux pouces à sa tête. Il essaya pendant un instant de retirer la lame de son orbite puis finit de s’écrouler pitoyablement par terre comme un pantin auquel on aurait coupé les fils. Ses deux acolytes grognèrent et chargèrent les Spartans, fusil à plasma en main. Le Minor ouvrit le feu sur Thomas qui roula sur le côté et le Major en fit de même avec Nikola, qui sentit ses boucliers s’activer pour repousser l’agression du plasma. Le Spartan fit un effort considérable pour essayer d’ignorer le fait que dans quelques secondes, son armure sera out et qu’ipso facto, il sera vulnérable et facilement abattable, pour lever son arme et tirer une grenade droit sur l’Elite qui se trouva être assez près pour se manger l’explosion dans les mandibules. Alors que ce qui restait de sa tête volait en arrière, Thomas prit son MA37 et engagea le Minor. La bleusaille alien se trouva très vite en rade de bouclier et Thomas lamina ses jambes sans réelle protection avec un nouveau chargeur. L’Elite tomba malgré lui à genoux et tenta une dernière fois de viser Thomas, qui ne lui laissa pas ce plaisir et l’acheva d’une rafale dans la tête.
Nikola observa les cadavres d’un air fermé puis porta une main à son module de COM :
- Vous en êtes où là-bas ?
Il voyait de l’autre côté Kevin et Florian se battre contre plusieurs ennemis, Hugo les épaulant de loin.
- C’est tendu, répondit Hugo, alors que retentissait en arrière-fond les bruits du combat, mais ça ira.
Et en effet, il ne fallut pas plus de quelques minutes au trio pour nettoyer la zone. Le reste des troupes occupant le centre-ville étant déjà parti, cela ne leur fut pas bien difficile. L’équipe s’en tira sans blessures graves, et put finalement se rejoindre au centre du boulevard.
- Bon, déclara Florian lorsque l’escouade fut réunie devant la statue de la fontaine, nous voilà au cœur de la cité. Et maintenant ?
- Doit y avoir un centre de communication pas loin, répondit Hugo en regardant les bâtiments autour de lui. Ça doit être dans ce quartier que se trouvent tous les bâtiments importants.
- S’ils ont été assez cons pour faire ça, oui, renchérit Nikola en s’avançant vers la statue. Dites, vous ne trouvez pas ça étrange, qu’ils aient établis leur camp ici ? Je veux dire, en plein centre-ville, ça peut nous paraître logique. Mais eux, vous croyez qu’ils seraient restés là s’ils ne cherchaient pas quelque chose ?
- Des informations confidentielles ? suggéra Kevin.
L’une de ses cuisses était tâchée de sang violet.
- Ça ne m’étonnerait pas, grogna Thomas. L’ONI commence sérieusement à s’éparpiller.
Mais Nikola n’écoutait plus. Il fixait la statue de ses yeux marron, sa position plus exactement. Son bras pointé vers le ciel. Puis il suivit la trajectoire que le doigt pointait.
La tour de verre.
- L’ONI commence sérieusement à s’essouffler en matière d’endroits sécurisés, souffla-t-il.
- Quoi ? fit Florian.
Il suivit son regard et leva la tête vers la tour de verre.
- Oh oh, dit-il. On dirait que les recherches ont été plus faciles que prévues.
- Ne crions pas victoire alors que nous n’avons pas encore engager la bataille, répondit Nikola. Allons voir. Spartans, vous savez ce qu’il vous reste à faire.
Ensemble, comme un seul homme, ils pénétrèrent alors dans le sombre bâtiment qui les observait de haut… et qui n’était peut-être pas le seul.
Chapitre 3
2308 heures, 6 Juillet 2552 (Calendrier militaire du CSDFNU), Algolis, Système Algol
Le hall d’accueil du bâtiment, à moitié saccagé, laissait filtrer la lumière naturelle des rayons des deux Lunes de la planète. Nikola poussa la porte en verre et s’y tint adossé pour laisser passer le reste de l’équipe.
- Merde… siffla Hugo dans la COM.
Nikola parcourut le hall du regard, plissa les yeux et fit un geste : il activa sa vision nocturne en appuyant sur son module latéral. Les autres la possédant déjà via leurs augmentations, ils n’eurent nullement besoin de faire pareil. L’affichage tête haute du Spartan fut brossé d’une vague grésillant verdâtre et resta coloré ainsi ; les objets se tracèrent de contours neutres.
Le hall avait été mis sens dessus-dessous. Les fauteuils renversés, les lampes brisées, les machines gisantes et fumantes comme de gros animaux morts un peu partout… mais aucun cadavre. Au fond, une paire d’escaliers menaient à l’étage supérieur dans deux directions opposées. Le groupe se dirigea vers eux après un examen rapide de la pièce. Leurs bottes de titane crissaient sur les bris de verre épars sur le linoléum.
- Chef ? demanda Kévin, regardant les escaliers tour-à-tour.
- Kévin et Thomas avec moi à gauche, Florian et Hugo à droite, lança le Spartan-054 d’un ton sec.
A sa surprise, personne ne protesta. Le fait était, il devait l’avouer, qu’il se sentait plus à l’aise avec ses frères d’armes. Florian et Hugo étaient de très bons camarades sur lesquels il savait qu’il pouvait compter. Mais avec Kévin et Thomas, c’était autre chose. Une symbiose, si l’on pouvait dire.
Lorsqu’ils s’engagèrent dans le couloir partant à gauche après les marches, Nikola accusa son étroitesse et troqua son lance-grenades contre son pistolet Magnum M6D. Suivi des deux autres, il progressa à pas de loup, ses muscles prêts à l’action. Derrière lui, Thomas, dont la carrure prenait la largeur du corridor, le suivait, ses énormes poings serrés, son fusil d’assaut rangé dans le dos. Dernier de la file, Kévin couvrait leurs arrières, attentif à tout bruit qui se révèlerait être autre que leurs pas.
Visibles à travers des portes de verre, Nikola remarqua des bureaux. Impeccables. Pas un siège de renversé. - Four, tu me reçois ? demanda-t-il en activant son module de communication.
Pas de réponse. Seulement des parasites.
- Four ? insista le leader. Five ? Vous me recevez ?
Les parasites furent les seuls à lui répondre. Kevin secoua la tête sans baisser sa garde arrière :
- Un brouilleur.
Nikola jura à voix basse, en grognant. Il sentait la silhouette du colosse derrière lui l’envelopper.
- Et comment tu comptes le trouver là-dedans, ton centre de communication ? gronda Thomas, sa démarche lourde cachant bien son jeu.
- La méthode traditionnelle, répondit Kevin d’un ton léger. En cherchant.
Ils ouvrirent la première porte venant à eux, débouchant dans un corridor un peu plus large aux murs nus. Ils prirent une autre porte, à double-battants cette fois, qui donnait sur un escalier supérieur. Un autre menait à nouveau au rez-de-chaussée.
- Ta « méthode » risque de prendre un peu de temps, fit remarquer Thomas.
Kevin haussa les épaules. Il regarda son brassard TACTIQUE/TACPAD et se raidit soudainement. Nikola crut un instant qu’il avait trouvé quelque chose mais il l’entendit, lui aussi. Des pas rapides, pesants, et d’autres plus légers, des cliquetis. Tous trois levèrent la tête au plafond puis se regardèrent entre eux.
Sans un mot, Kevin leva son DMR et monta les marches en premier, le plus silencieusement et le plus rapidement possible. Thomas le suivit, étonnamment discret pour sa carrure. Nikola les rejoignit à son tour devant une autre porte à double-battants, identique à la précédente. Le Spartan furtif, collé au mur, leur indiqua d’un signe de main qu’il allait ouvrir la porte, mais Nikola l’en interdit de la même manière. Pas maintenant, trop dangereux. Ils ne savaient pas ce qui, ou quoi, les attendait derrière les portes. Il leur ordonna d’écouter d’un geste sec de la main, les réduisant définitivement au silence et à l’immobilité totale. Toujours les mêmes pas. Et des ouvertures et fermetures régulières de portes.
« Ils cherchent quelque chose », en déduisit le Spartan-054. Les deux autres semblaient en être arrivés à la même conclusion.
Un jacassement métallique leur parvint de l’autre côté, qui parlait dans une langue de toute évidence extraterrestre, avec un léger grondement. Ce dernier détail permit à Nikola d’identifier le bavard, qui portait le doux nom d’Ecorcheur, un cousin du Rapace. Ces salopards étaient des tireurs d’élite à l’agilité et à la rapidité surhumaines. Bien plus avantagés qu’un Spartan, ce qui en faisait des ennemis difficiles, pour ne pas dire impossibles à coincer.
Le compagnon de l’Ecorcheur répondit à ce dernier d’un concert de grognements empâtés où on pouvait vaguement reconnaître le même dialecte. Nikola avait tourné la tête vers Thomas au son d’un léger crissement. Thomas avait tiré un de ces énormes couteaux, car, tout comme ses deux frères d’armes, il s’était aperçu de ce qui les attendait désormais s’ils ouvraient la porte. La seconde créature en question était un Brute. Les Brutes étaient ce qui ressemblait de près ou de loin à d’énormes primates humanoïdes plus massifs qu’un Elite et plus violents que n’importe quel Spartan (excepté Thomas, songea Nikola après réflexion).
Thomas commençait à s’approcher de la porte lorsque Nikola lui ordonna de rester sur place. Le gant s’exécuta après une seconde d’hésitation, à contrecœur. Nikola le sentait bouillonner. Il lui indiqua de s’adosser au mur, près de la porte, avant de faire signe à Kevin de venir le rejoindre. Il pointa son magnum sur la porte, en face de lui ; son coéquipier comprit la manœuvre et fit de même avec son fusil de combat silencieux. Quand ce fut fait, Nikola regarda Thomas. Le colosse lui rendit son regard. Le leader percevait les yeux graves qui l’observaient derrière le bloc compact que formait la visière de 077. Puis il brandit le poing, fléchissant le poing, et le balança sèchement d’avant en arrière deux fois, mimant le geste de toquer une porte. Thomas acquiesça de la tête, se pencha et frappa deux coups contre la porte. Aucun bruit ne signalant une quelconque réaction de l’autre côté ne leur vint. Kevin épaula son DMR en resserrant sa poigne.
Dix secondes. Vingt secondes. Une minute. Une minute trente.
Deux minutes.
Pas un mouvement. Personne ne mouftait. Thomas restait telle une statue, les membres raidis par une position d’engagement.
La porte de droite s’ouvrit à la volée et une silhouette indistincte, moins grande qu’un Spartan, jaillit devant eux et fonça vers les escaliers. Les supersoldats n’eurent pas le temps de réagir que déjà l’Ecorcheur était presque dans leur dos. En passant à côté de lui, le regard jaunâtre et félin du Covenant croisa celui de Nikola, à l’abri derrière sa visière. A peine le Spartan eut fait un mouvement que l’alien se trouvait là, en haut des marches, derrière eux. Il dégaina sa carabine à aiguilles et la braqua sur Nikola. Kevin se retourna alors et brandit son DMR.
Tout semblait se dérouler au ralenti pour Nikola. Il amorça un mouvement pour esquiver l’Ecorcheur mais les premiers cristaux roses vinrent percuter son bouclier énergétique qui s’illumina, signe qu’il s’activait pour protéger son propriétaire. Il n’allait pas tenir longtemps et lorsqu’il le lâchera, un seul tir dans la tête du Spartan suffira pour l’envoyer ad patres.
Le bouclier tint cependant suffisamment longtemps pour permettre à Kevin de tirer deux balles, la première allant se loger dans l’épaule de l’ennemi qui chancela, furieux, et la deuxième entre les yeux. L’alien émit un bref glapissement et fut envoyé fissa bouler dans l’escalier. Sitôt fait qu’un fracas retentit derrière eux ; ils se retournèrent, sur leurs gardes.
Devant les portes, deux énormes silhouettes s’agitaient. L’une était Thomas, et se trouvait aux prises avec la seconde qui était plus grande que lui. Cette dernière grognant, ses yeux rouges brillant dans l’obscurité. Nikola aperçut le mufle buriné, les poils drus, le faciès simien. Le Brute portait une armure de couleur dorée, et munie d’un bouclier similaire à celui des Spartans.
Thomas bloquait de son bras le poing du Brute. L’instant d’après, l’extraterrestre envoya son genou cuirassé dans le ventre du militaire dont le bouclier éclata, crépitant le long de son armure. Thomas fut projeté en arrière. Il s’écroula lourdement sur le sol, et Nikola sentit celui-ci trembler légèrement. Il grogna et le Brute s’avança avec la claire intention de ne pas le laisser se relever. Thomas en profita pour le tacler. Les deux adversaires se trouvaient désormais dans la même situation, et c’était à qui des deux réagirait le plus vite qui l’emporterait.
Le couteau jaillit dans la main de Thomas qui se jeta sur l’autre. Le Brute commença à se débattre mais 077 leva son arme bien haute. Les reflets d’argent sur la lame s’éteignirent lorsqu’il la planta dans le cou musclé et brun aussi brusquement que si on avait appuyé sur un interrupteur. Du sang d’un rouge violâtre jaillit et le Brute poussa un mugissement de douleur et de rage. Thomas lui saisit le museau et le poignarda, encore et encore. Le Brute tenta de le frapper, mais ses forces l’abandonnaient rapidement. Il mourut en crachant un ultime gargouillis, sa gueule garnie d’énormes crocs jaunes grande ouverte.
Le Spartan se redressa, soufflant comme un bœuf, et frotta son couteau contre son épaule pour en essuyer le sang. La lame grinça contre le métal et le sang du Covenant s’étala dessus. Il regarda ses deux camarades pendant que Kevin rechargeait son fusil. Nikola s’approcha du colosse et tapa le cadavre du pied :
- Des putains d’éclaireurs. La patrouille doit pas être loin. On bouge.
Sans un mot, ils passèrent les portes d’où les deux ennemis avaient surgis et continuèrent dans un autre couloir à portes. Thomas gardait son couteau ensanglanté dans la main, l’air calme. En réalité, et Nikola le savait bien, il le sentait impatient de le mettre à nouveau à l’épreuve.
Ils passèrent une nouvelle double-portes à hublots. Cette fois-ci, pas de couloir, mais une large pièce où était régulièrement disposées tables et chaises, avec un self-service sur le côté. Une cantine. Les Spartans firent quelques pas en avant, jetant un regard circulaire autour d’eux. Aucun signe de vie. Aucun dégât.
Tenant toujours son couteau dans une main, Thomas se saisit de son fusil d’assaut passé dans le dos et le dégaina de sa main libre. Lentement, il commença à arpenter les allées entre les tables, son MA37 braqué devant lui comme s’il s’agissait d’une simple arme de poing, et son arme blanche tenue à l’envers dans son autre main. Il paraissait impressionnant à se déplacer ainsi. Kevin longea le self-service sur la droite, son DMR en garde. Il regardait de tous les côtés avec de brefs mouvements de tête.
Deux portes de service gardaient le fond. Nikola escorta son gigantesque frère d’armes jusqu’au bout en couvrant ses arrières, et ils entrèrent dans l’une des portes lorsque Kevin les rejoignit.
- Encore un couloir… protesta Thomas en prenant à l‘angle. Ils savent pas construire autre chose ?
Il leur fallut traverser le bâtiment de part en part avant de finalement tomber sur une grande salle en haut de la tour, au plafond vitré. On voyait le bleu de la nuit et les étoiles à travers la baie. Les Spartans s’infiltrèrent par une porte blindée… et complètement éventrée. Nikola remarqua des brûlures de plasma sur les contours de la brèche. La salle s’épanouissait à l’angle gauche de la porte. Elle était décorée de plantes propres à la planète, mais le regard des soldats fut automatiquement attiré par ce qui s’y passait derrière.
- Les fumiers, siffla Thomas entre ses dents.
Le brouilleur Covenant trônait sur trois pieds, ses ondes électromagnétiques se dispersant en vagues montant de son centre. Autour de lui était disposé un véritable camp : des soldats – Grognards, Rapaces, quelques Brutes – s’affairaient à installer du matériel de guerre.
Nikola s’agenouilla, et ses camarades l’imitèrent. Si les Covenants les repéraient maintenant, ils n’avaient plus aucune chance de les avoir par surprise.
Un plan était de mise.
-Enfin un peu d’action, soupira Kevin.
Il se pencha légèrement en avant, les lumières de la pièce se reflétant sur la large visière de son casque SECURITE. Il resta immobile quelques secondes, puis reprit sa position initiale.
- A droite du brouilleur, indiqua-t-il, on tient une belle prise.
En effet, une énorme silhouette, plus grosse que Thomas, hurlait des ordres dans sa langue. Le sang du leader se glaça. Un chef Brute. Une montagne de muscles et de poils, d’au moins quatre mètres de haut. Sa large gueule laissait entrevoir d’énormes crocs capables de broyer un bras humain au minimum. Ses petits yeux porcins luisaient comme des braises sous son casque cérémonieux, mais le plus dangereux résidait dans son aptitude à utiliser l’arme qui reposait à ses côtés, posée contre une caisse de munitions. Nikola apercevait distinctement le marteau à impulsions gravitationnelles, aussi grand que lui. La vue de la masse aux reliefs complexes le fit frissonner. Il avait déjà été témoin des dégâts que cette machine à tuer occasionnait : des corps démembrés, disloqués, écrasés sous les coups. Chaque fois qu’un chef Brute attaquait avec son marteau, un impact contre tout objet consistant déchargeait de foudroyantes ondes de choc capables de détruire un bouclier énergétique de façon indirecte – sachant qu’un coup direct le détruirait, mais tuerait aussi son possesseur –.
Nikola observa le reste du camp. Des Grognards en armure blanche ou noire installaient des tourelles à plasma autour du brouilleur. De ce qu’il savait, les petits aliens possédant de telles armures étaient les plus expérimentés de leur sang. Les Rapaces, eux, étaient tout au moins six, leur bouclier désactivé, s’occupant de ranger des armes dans les caisses de ravitaillement qu’entreposaient le petit groupe de Brutes. Deux d’entre eux portaient des carabines ainsi qu’un viseur encéphalique intégré.
Pour le coup, le leader voyait mal comment atteindre le générateur. Il était très certainement protégé par un bouclier et Nikola doutait que leurs tirs l’endommagent gravement. Et s’ils commençaient à attirer l’attention sur eux maintenant, le chef Brute leur bondirait dessus, et ils seraient trop assaillis par les tirs de l’escouade sous ses ordres pour pouvoir se défendre contre les deux à la fois.
Il s’avança parmi les feuillages d’une haute plante aux larges feuilles nervurées de jaune et d’orange, prenant bien soin de ne pas trop s’avancer dans la lumière. De là, il pouvait voir un étage supérieur surplombant les côtés de la salle. Pour leur part, les Covenants étaient disséminés en trois groupes bien distincts : à droite, le chef Brute, au milieu, les Rapaces et les soldats Brutes s’occupant des caisses de ravitaillement, et derrière eux les Grognards défendant le brouilleur. Il regarda en l’air et sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Il réfléchit rapidement et s’en retourna vers les deux autres, toujours accroupi. Rapidement, il leur exposa son plan et obtint pour seule réponse de leur part un signe de tête. Puis ils se séparèrent. Nikola resta en arrière et Kevin alla s’installer là où son leader se trouvait quelques instants plus tôt, entre les feuilles de l’énorme plante. Thomas attendait près de lui, à droite, tourné vers les escaliers menant à l’étage. Nikola se glissa sur la gauche et se coucha dans un parterre. Il prit pour cible le groupe de Rapaces avec son lance-grenade et murmura dans la COM :
- Vas-y.
Trois détonations retentirent et les lumières du plafond éclatèrent, plongeant la pièce dans la pénombre. La vision nocturne de Nikola n’en fut que plus affûtée, et il perçut distinctement les Covenants réagir en conséquence par des cris de surprise et des sursauts, brandissant aussitôt leurs armes. Immédiatement, il enfonça la gâchette de son arme. La grenade partit en arc-de-cercle avec un sifflement menaçant et rebondit au milieu des Rapaces. Aucun d’entre eux ne s’était encore aperçu de quelque chose lorsque l’explosion se produisit, réduisant leurs corps élancés en charpie qui s’éparpillèrent un peu tout autour avec des bruits flasques.
Un bruit sourd et régulier lui parvint. Il tourna la tête vers la droite. Le long de l’étage supérieur voyait s’élancer une spectaculaire machine de guerre en la personne de Thomas qui courait lourdement – mais avec une effrayante rapidité – avec l’allure d’un sprinter. Un énorme sprinter dans une armure faite de titane renforcé. Le chef Brute en bas commençait à s’avancer à grands pas pour prendre son marteau. Nikola le voyait clairement tendre son bras massif vers le manche. Thomas continuait sur sa lancée à l’étage du dessus. Il se saisit alors de la rambarde au moment où Nikola serrait les poings.
« Vas-y mon gros, vas-y… »
Prenant son élan, Thomas s’accrocha sur la rambarde comme un aigle l’espace d’une seconde, le temps de prendre son appui puis se jeta dans le vide, bras et jambes tendus. Nikola eut l’impression que le monde entier avait arrêté de tourner. Il voyait son frère d’armes suspendu dans le vide, et le Brute juste en-dessous qui commençait à prendre son marteau. Il entendait Kevin arroser les Brutes et les Grognards de tirs, les cris de colère ou d’agonie de ces derniers. Et puis…
Nikola sentit le sol trembler légèrement lorsque Thomas s’écrasa sur le Brute comme une météorite. Les deux roulèrent sur le sol comme deux énormes chiens enragés, grognant et frappant à qui mieux mieux. Thomas dégaina un de ses couteaux mais le Brute l’envoya valser hors d’atteinte du Spartan, qui jura avant de tenter d’étrangler son adversaire. Nikola soupira avant de charger une nouvelle cartouche dans son lance-grenade pour la tirer sur le groupe d’ennemis trop confus pour correctement s’ordonner. Tous les Grognards étaient déjà couchés, une balle entre les deux yeux chacun. Les Brutes étaient encore quatre sur six, tirant avec leurs spikers dans la direction d’où provenait les tirs de Kevin. Ce dernier n’avait cependant aucun souci à se faire étant donné que le spiker était une arme de courte portée et que les pointes surchauffées qu’elle tirait allaient se perdre un peu partout à longue distance.
Les dégâts produits par cette deuxième grenade suffirent à achever un des Brutes et à en blesser deux autres, que Kevin acheva rapidement. La dernière Brute crut bon de commencer à leur foncer dessus, mais le Spartan-213 le freina dans ses ardeurs avec ses calmants spéciaux. Au fond de la salle, près du brouilleur, Thomas continuait de se battre avec le chef Brute, qui maintenant commençait à prendre le dessus. Kevin et Nikola se précipitèrent vers eux mais durent rester à distance respectable. Kevin épaula son DMR et tenta de viser l’adversaire mais leur joute était trop agitée pour qu’il puisse être sûr de tirer au bon moment. Le bouclier des deux rivaux était hors-service, ce qui signifiait qu’une seule erreur de la part de Kevin pourrait être fatale à Thomas. Thomas grogna et frappa une fois de plus le Brute. Celui-ci cracha un peu de sang avant de profiter de la baisse de défense du Spartan pour le repousser en arrière d’un coup de genou. Le Brute se releva, immense, plus menaçant que jamais. Un sourd grondement monta de sa gorge. Thomas toussa avant de se relever aussi. Il était moins grand mais tout aussi impressionnant de détermination.
- Viens prendre ta pétée, fils de pute, lança-t-il au Covenant qui commença à s’avancer.
Thomas sortit son autre couteau calmement. Ce qui le rendait encore plus effrayant. Ni Kevin ni Nikola n’intervenaient. Ils savaient que ce combat n’était pas le leur. Thomas se mit à s’avancer lui aussi. Aucun des deux ne se pressait. Ils s’évaluaient. Le Spartan fit craquer son cou, le Covenant mâchonnait sa langue, prêt pour le grand final.
Dans un hurlement, il fonça sur l’autre.
Thomas ne se dérouta pas. Il leva lentement son couteau et lorsque le Brute arriva à portée, il se plia en deux pour éviter la prise avec laquelle son adversaire voulait le piler, se releva d’un bloc et enfonça la lame d’un geste sec et expert dans l’œil du chef de meute. Ce dernier tenta tout de même de saisir son ennemi au collet mais trop tard. 077 lui enfonça l’arme blanche jusqu’au cerveau et la retira aussi brusquement. Aucun geyser de sang ne suivit ; l’infortuné s’effondra aux pieds du vainqueur, qui se contenta de rester bras ballants, sa respiration grondante comme un orage d’été. Il regarda le cadavre, silencieux. Plus aucun bruit ne venait les troubler. Kevin se dirigea lentement vers le brouilleur et le désactiva manuellement, tapotant sur les touches du petit panneau de contrôle. Nikola porta une main à son casque et dirigea ses liaisons sur celles des Spartan 192 et 237 :
- Four, Five, vous me recevez ?
Un léger grésillement parasita la ligne avant que la voix de Florian ne prenne la place :
- Ah bah enfin ! On vous reçoit cinq sur cinq, terminé.
- Un émetteur brouillait les communications, expliqua le leader. On s’en est chargés. Du neuf de votre côté ?
- Affirmatif, répondit Florian. On a trouvé le centre de communications.
- Très bien. On vous rejoint sur le champ. Indiquez-nous votre position par un objectif.
- C’est pas tout, boss… dépêchez-vous de nous rejoindre, terminé.
Un losange gris apparut sur l’affichage tête haute de Nikola, indiquant la position du duo de soldats dans le bâtiment. Kevin le rejoignit sans un mot et Thomas finit par faire de même après être allé ramasser son premier couteau.
- Ils ont trouvés le centre, annonça Nikola, mais aussi autre chose, apparemment.
- Tant que ce ne sont pas des Covenants, soupira Kevin.
Thomas ne dit rien. Il se dirigea vers le marteau, toujours posé contre la caisse de munitions, et le souleva dans ses mains. Il le soupesa, grogna et se tourna vers ses camarades.
- C’est toujours mieux que rien.
Nikola acquiesça d’un signe de tête. Thomas avait gagné le combat. C’était à lui que revenait l’honneur de prendre cette arme, mais c’était surtout parce qu’il était le seul d’entre eux capable de vraiment la manipuler. S’ils avaient à rencontrer d’autres chefs Brutes, ou pire encore, ce marteau ne serait pas de trop.
Ils rejoignirent la position d’Hugo et Florian sans rencontrer le moindre signe de vie à travers le bâtiment. Etrange. Nikola était sûr et certain qu’il y aurait dû avoir plus de Covenants que ça ; il ne s’en plaignait pas pourtant.
Ils arrivèrent enfin dans une petite salle où, penché sur un grand tableau de bord, la tête relevée vers les multiples écrans accrochés aux murs devant lui, Hugo pianotait sur un clavier, faisant défiler différentes commandes. Il se retourna pour regarder ses camarades arriver et laissa la place à Kevin qui commença immédiatement à trafiquer le réseau. Florian, lui, était assis au fond de la salle, de dos par rapport à eux, son lance-roquette posé plus loin. Il semblait occupé par quelque chose. Ses épaules bougeaient légèrement. Thomas se mit à parler avec Hugo, échangeant leurs rapports de situation. Nikola s’approcha de Florian. Au fur et à mesure de ses pas, il se rendit compte que celui-ci parlait. Et qu’une deuxième silhouette se trouvait en face de lui. Nikola s’arrêta à la hauteur de son coéquipier, qui se tourna vers lui. Il resta de marbre, son regard fixé sur l’être qui se trouvait en face de Florian, et qui ne devait probablement pas être plus haut que leurs jambes. En face d’eux, son regard timide dirigé vers le duo, se tenait un jeune garçon qui avait tout au plus sept ou huit ans. Il tremblait un peu et semblait harassé.
- Nom de… commença Nikola avant de regarder Florian.
- On l’a trouvé ici, expliqua Florian. Je vous présente Adam, boss.
Posté le : 08/10/2010
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