DIVERS - Fan fiction
Naissance d'un Spartan - Une Espèce Nouvelle
Ce sont de simples questions que tout homme se posera un jour dans sa vie:
Pourquoi suis-je ici ? Mon destin est-il tracé ? Ai-je toujours le choix ? La Vie a-t-elle un sens ?
Des questions qui n’ont plus leur place dans le cœur des Spartans. « J’ai un travail, je le fais » était la doctrine de tous bons super-soldats. Le Dr.Catherine Halsey avait réussi à merveille le conditionnement de ses recrues. C’est elle qui un jour de juin 2513 changea le nom du projet Orion, un peu désuet, en projet « Spartan ». Léonidas et ses héros reprenaient du service. C’est elle aussi qui deux ans plus tard rencontrait les enfants kidnappés pour leur expliquer le sens de sa démarche. « Votre nouvelle maison c’est ici. Vous ne reverrez plus jamais vos parents… » Elle remarqua qu’aucun des enfants ne pleura après ses mots parricides; ces garçons et ces filles avaient une force psychologique au delà de la moyenne. Mais que savait-elle de leurs douleurs silencieuses ?
Aujourd’hui, une nouvelle fois, ce grand vide intérieur résonnait en John. C’est comme si il vivait sans vivre. Ce manque indicible frappait sans avertir, comme un ventre affamé réclamant sa pitance. Son passé frappait à la porte. Les années d’entraînement lui avaient appris à camoufler ses sentiments, à les enfouir comme s’il n’avaient jamais existé ; et parfois, comme le bâton remuant le fond de l’étang qui voit sa vase remonter à la surface et des bulles d’air se décoincer du fond, l’inconscient de John venait de libérer une de ces « bulles ». On peut contrôler sa peur de différentes manières : en fuyant, ou en affrontant et faire en sorte que le courage la supplante, on peut tuer son ennemi sans remord, frôler la mort volontairement en calculant les risques. Mais il est impossible de contrecarrer un souvenir qui s’impose, quand il décide de passer coûte que coûte. Certes sa vie avait un sens, certes il avait souvent le choix, certes il avait un destin à accomplir, mais son passé revenait périodiquement à sa rencontre. Il devait subir ces désagréments et attendre qu’ils passent…
La bataille s’est terminée il y a deux heures avec le dernier adversaire tué, ou suicidé pour éviter d’être capturé. Les Covenants ne se rendent jamais. Le CSNU vient de terrasser l’ennemi alien au terme de deux semaines de combat.
John est assis sur un rocher face à la mer. Il observe la plage de sable noir scintillant, conséquence d’une éruption volcanique de plusieurs siècles, il écoute son rivage et son clapotis, les oiseaux qui dansent à nouveau dans le ciel bleu outremer, il considère les palmiers couchés par le souffle des explosions, hachés par les myriades de balles qui ont traversé le lieu des combats. Il tourne la tête doucement et ses yeux font un panoramique vers la gauche. Ils font maintenant face à la plage dévastée où les gémissements des mutilés trouvent à peine une oreille attentive. Les secours extérieurs tardent à venir, les combats ayant lieu sur plusieurs fronts. John admire le courage de ces visages ensanglantés, desquamés partiellement par la brûlure et la chaleur du plasma. Car il sait que lui est différent : il est plus fort, plus rapide, il est protégé par une armure à bouclier d’énergie comme une seconde peau. Ces malheureux n’ont pas la même chance. Chez les humains aussi certains vont aller en première ligne comme « chair à canon ». Le CSNU a aussi ses Grunts… difficile à concevoir depuis les guerres du XXIème siècle où l’on parlait de frappe chirurgicales, de drones, où l’ennemi n’était que des points sur un écran. L’Infanterie existera toujours. Oui vraiment, John admirait ces jeunes gens pour leur courage malgré la peur. Combien rentrerait au campement ? Combien de père et de mère, de mari et d’épouse parmi eux ? John se souvenait d’un passage à la morgue des années en arrière où il avait aperçu une veuve prendre son mari dans ses bras, la poitrine éclatée par une poignée mortelle d’aiguilles de needler. Un corps sans vie dans un sac mortuaire, sans gloire ni fortune, pour la survie de l’espèce.
« Ça doit être ça, être capable d’aimer… Mais en être incapable a aussi ses avantages… parfois. » Pensa-t-il.
Malgré le travail du Dr Halsey et de ses sbires d’instructeurs pour devenir le Spartan qu’il est devenu, la mémoire de John a trouvé le chemin pour hanter son esprit tacticien, bridé aux combats et rien d’autre…
Une fois de plus, le court passé du bonheur insouciant - celui de son enfance - rejaillit… La plage, la vraie plage, celle des plaisirs : il connaît, ou du moins il connaissait. Ces premiers «roi de la colline» ont d’ailleurs débuté ici. Les dunes de sable faisant office de montagne. Il avait à peine cinq ans… Il revoit le sourire de son père, celui de sa mère, la langue tirée de sa cousine Salvana, et le chien cyborg Olah qui s’ébroue en sortant de l’eau. Depuis combien de temps n’avait-il pas ressenti l’expression d’un sourire sur son visage. En joignant le geste à la pensée, John passa lentement deux doigts sur la commissure de ses lèvres en les remontant vers le haut.
Sur la plage de son enfance il entend au loin, un homme crier. Crier de douleur. Le bruit est sourd comme étouffé par un casque. John lève la tête et revient aussitôt dans le présent. Non loin de là un soldat souffre de ses blessures profondes. Un infirmier lui administre du Biofoam en attendant son transport vers un hôpital de campagne. Sur plusieurs hectares la bataille a jeté des hommes et des femmes qui ont donné leur vie pour la colonie. Leur objectif était la défense de l’installation nucléaire d’Agharta. Se sentant dominé, l’ennemi aurait pu détruire l’installation, se sacrifier et du même coup éliminer les troupes humaines. Ils ne l’ont pas fait et cela restera un mystère. Du moins tant que John n’entendrait pas parler d’ « artefact »…
Dans l’attente d’un Pélican qui le ramènerait aux quartiers généraux de l’ONI pour faire son rapport, le Spartan à l’armure verte marche silencieusement sur le champ de bataille. Il a ôté son casque Mark V. Aussitôt l’odeur des pneus carbonisés des warthogs se lient tragiquement avec celle des peaux humaines et covenantes brûlées. Son pied bute contre le canon à combustion d’un Mgalekgolo. Il ne l’a jamais dit à quiconque mais la taille et la force des Hunters l’a toujours impressionné. Il a vu maintes fois avec quelle facilité ces derniers se débarrassaient des véhicules, résistaient à des warthogs lancés contre eux. Dix soldats ODST endurcis étaient des mouches pour ces mastodontes de vers et de métal. Lui-même avait plusieurs fois échappé à la mort en plongeant et évitant des tirs de plasma. Il fut balayé comme un fétu de paille la nuit dernière, en tentant d’assassiner l’un d’eux. Son poignard pénétra l’assemblage de vers dans la partie exposée de son dos. La lame entra sur vingt centimètres mais ne rencontra rien qui ne ressemble à une colonne vertébrale et de tissus neuronaux. Le bras armé du Chasseur passa derrière lui et projeta John sur un monticule de terre. Si cela avait été en pierre ou en métal, John ne serait plus là pour y repenser. Deux snipers tirèrent dans son ‘’talon d’Achille’’ dorsal et le firent s’écrouler au sol, tandis qu’il avançait sur le Spartan inconscient… Les Hunters au sol dépassaient les quatre mètres, leurs boucliers indestructibles portaient les traces de sang des hommes empalés. Plus loin un médecin passant sa main apaisante sur les cheveux mêlés de sang et de sable d’un blessé, lui rappela une nouvelle image, celle des nuits où faisant semblant d’être endormi, il sentait la main de son père se posait amoureusement sur sa tête, suivi d’un baiser en guise de bénédiction. Cette main, sa chaleur, était un rempart contre toutes les peurs. Une armure contre tous les assauts de la Vie… Décidément ce passé revenait quand son esprit était au repos ou incapable de raisonner avec la froideur d’un ordinateur. Souvent cela arrivait après une bataille. L’armure d’aujourd’hui protégeait de presque tout, mais pas des retours du passé.
John avait combattu tant de Covenants… Dix mille ? Cinquante mille ? Cent mille ?... Plus ? Depuis le début de cette guerre il avait enjambé tant d’ennemis, piétiné tant de cadavres. Cette bataille qui se terminait n’était qu’une victoire entre deux défaites. Ici les humains étaient les derniers à rester debout ; mais demain, combien de chaises vides compterions nous au mess. Des places si vite remplacées.
Si les troupes du CSNU étaient ses frères d’arme, la Mort était sa « sœur d’arme ». La Mort, il l’avait rencontrée pour la première fois au camp d’entraînement de Reach le 27 septembre 2520, quand un des candidats avait tué involontairement un instructeur. Il s’en souvenait clairement car il s’agissait du premier mort qu’il voyait et que le matricule du fautif à un chiffre près ressemblait au sien : SPARTAN-137.
John continua à avancer entre les pensées, les tôles froissées et les corps enchevêtrés.
« Une de plus Monsieur ! Celle-là fera date ! » Lui cria un jeune soldat qui voyait pour la première fois un Spartan. A ses côtés un plus ancien lui donna un coup de coude puissant et lui murmura :
« On dit Adjudant ! Imbécile. Tu sais à qui t’as à faire ? Celui-là il parle pas beaucoup, mais je l'ai vu se battre, il est pas prêt de tomber. Sectionner trois avant-bras de brutes avec un mauler à chaque bout en un seul coup de sword, c'est pas tous les jours qu'on reverra ça ».
John leur sourit et songea : « Une de plus ? » C’était comme ce rituel des anniversaires, la fête, le gâteau, célébrer le fait d’être encore en vie une année de plus lui semblait absurde. A moins qu’ils ne servent à avoir assez envie de vivre pour fêter le prochain. Les jours de chacun étant comptés alors autant en profiter, admit-il. Car John sentit que l’orage approchait. Des éclairs de plasma, une pluie de grenades, une grêle de métal bouillant : d’autres batailles plus importantes mettant en péril la survie de l’Humanité allaient voir le jour.
Le sourire aux soldats était grimaçant. Il avait bataillé cinquante-deux heures durant. Sans boire sans manger sans éliminer sans se reposer. Son corps avait ses limites et réclamait le repos. Ce soir il ôterait son armure, prendrait une douche chaude et relaxante, puis se coucherait machinalement. La tête pourtant pleine d’images du dernier affrontement entre le CSNU et les Covenants. Il reverrait les alliés tomber à ses pieds, protégeant l’un d’eux d’une rafale de spiker. L’usage de sa bulle protectrice qui sauva la vie de trois marines du boulet plasmatique d’une apparition. L’abordage d’un ghost par le dessus en coupant les gaz de son jetpack. Son tir de sniper qui tua quatre grunts alignés en une balle. Et cette grenade qu’il fit entrer de force entre les mâchoires acérées d’un général élite… D’autres instants avant de s’endormir, il reverrait de mémoire les cartes topographiques du lieu du dernier carnage pour s’assurer que les décisions qu’il avait prises les heures précédentes étaient les meilleures.
Et enfin, il s’interrogerait comme rarement de son utilité de Spartan. Se demandant : « Qui suis-je ? ». Depuis ce jour de séparation d'avec ses parents il se sentait seul. Mais aujourd'hui pour la première fois il était seul.
Chacun de nous cache ce qu’il est, de temps à autre, parfois enfoui si profondément qu’il faut lui rappeler qu’il existe encore… parfois il le cache aussi pour oublier qui il est réellement, ou ce qu’il fut et ce qu’il aurait pu être dans une autre vie… « Et moi ? » Se questionnait John : Qui suis-je réellement ? Peut-être ne serai-je jamais ce que mes parents auraient voulu que je sois. Suis-je un monstre, un soldat, une machine ? Je ne suis pas plus une bête qu’un homme. Je suis d’une espèce nouvelle, un Spartan, agissant selon ses propres règles quand il s’agit de défendre l’Humanité. Tuer pour vivre est mon Destin. Mettre un terme à toutes ces questions qui m’assaillent.
Car le jour de demain est peut-être le dernier.
John débrancha calmement son électro-cardio-encéphalogramme de contrôle. L'endormissement venait et le sommeil serait calme. Ce sommeil qui enfant avait aidé à le rendre plus fort et résister aux augmentations ; « car le sommeil est également nécessaire à la croissance de l’enfant, l’hormone de croissance étant produite intensément en début de la nuit », leur avait enseigné Déjà, l’Intelligence Artificielle…
- Rhaaa ! Déjà, fiche le camp ! Râla John. Non le sommeil ne venait pas, pas encore… Trop d'images, comme après chaque bataille. Alors il prit une posture permettant un relâchement musculaire optimal. Bien à plat sur le dos les bras et les jambes légèrement écartés. La fermeture de ses paupières, l'immobilité et le ralentissement progressif des fonctions végétatives feraient le reste.
- Bonne nuit mon chéri.
- Bonne nuit Maman.
- Bonne nuit Johnny.
- Bonne nuit Papa.
Posté le : 29/11/2010
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